Réflexion sur le Ier Ordre de Sagesse: Élu Sécret


REMARQUE LIMINAIRE

M

on objectif en rédigeant ce balustre n’est certes pas d’y consigner tous les enseignements et connaissances de ce grade, ce qui relève de la recherche personnelle de chacun et du travail collectif en chapitre. Et bon nombre de livres permettent à chacun de trouver réponse à ses questions et d’approfondir ainsi le contenu du grade.[1]

Ne s’agissant pas de réécrire de nouveau ce qui existe, je souhaite bien plus ouvrir des pistes de réflexion en situant le cadre du grade et en mettant en exergue certains points symboliques qui nous échappent parfois.

Je tiens aussi à préciser que je respecte toutes les convictions religieuses, philosophiques ou spirituelles de chacun qui ne regardent finalement que la conscience de chacun. Il reste que les Ordres de Sagesse de notre rite sont fortement empreints des traditions biblique et chrétienne, ce qui fit écrire à un de mes prédécesseurs que le rite moderne français était de forme chrétienne. Je reste profondément attaché à accorder l’importance d’un symbole au signifié et non au signifiant : si un enseignement bouddhiste ou musulman me plait, je peux l’accepter sans cependant me convertir à cette religion. Je pense qu’il faut savoir dépasser le cadre allégorique pour ne retenir que la substantifique moelle.

Ainsi, le conte des 3 petits cochons veut, en sa finalité, nous inciter à construire notre vie sur du solide même si c’est plus lent et demande plus d’efforts. Celui qui s’arrête à s’interroger si les 3 petits cochons ont réellement existé ou si des cochons peuvent bâtir une maison perd non seulement son temps mais le bénéfice de l’enseignement.

Qu’un enseignement soit qualifié de chrétien voire de christique n’exclut nullement qu’il ne puisse être suivi par un bouddhiste, un musulman voire un athée. De même, comme le soulignait notre TCF Fabrizio, la bible ou le GADLU font partie de notre tradition maçonnique française : on ne peut les soustraire mais il appartient à chacun le droit d’y réserver l’interprétation qu’il souhaite.

Je laisse donc à chacun de retenir de la tradition que j’expose ce qui lui convient ou de l’adapter à sa propre évolution et à ses convictions voire même de la refuser. Chacun reste libre et maître de son initiation.

De mon côté, je demanderai aux FF\ et au SS\ se sentant visés par certaines de mes incompréhensions personnelles que je pourrais exposer. Elles ne sont finalement nullement des critiques stériles mais des invitations à l’expression de positions différentes des miennes.

Alain DRUART

Vème Ordre – grade 9

Grand Conservateur du Grand Chapître Général Mixte de Belgique


CADRE CONTEXTUEL

du 1er ORDRE de SAGESSE

 

L

e Ier Ordre de Sagesse reste dans la continuité des loges symboliques puisqu’il donne clairement une suite et une fin au mythe d’Hiram servant de base allégorique au grade de Maître. Il ne sera plus évoqué par la suite.

Suite au meurtre de l’architecte Hiram, il règne parmi les MM\ un sentiment général de vengeance et Joaben, Maître Maçon, se présente à la chambre du Conseil afin de solliciter de ses supérieurs de devenir le bras vengeur. Ce sentiment de vengeance est partagé par les membres du Conseil qui l’expriment par l’acclamation.

Notons déjà que ceci correspond et reste conforme aux principes de l’ancienne alliance biblique de la loi du talion.

La suite est connue : après avoir été reconnu maître par un tuilage, le sort désigne Joaben comme chef de la délégation de 9 maîtres envoyée pour venger le meurtre d’Hiram et il est envoyé remplir sa mission.

C’est finalement la justice qui s’appliquera, laissant ainsi les gants blancs de Joaben non souillés de sang [2], et non la vengeance, ce qui nous fait dire que l’enseignement de ce grade reste le passage du sentiment de vengeance à la justice.

Soulignons déjà qu’en notre rite, cet épisode vient immédiatement après le grade de maître : il n’y a pas de grade du deuil d’Hiram ou autre comme au REAA[3].

Soulignons que, continuité du meurtre d’Hiram, le récipiendaire n’en est dès lors point désorienté : il poursuit le mythe et le parcours maçonnique selon la logique.

C’est ainsi que notre TCF\ Pierre MOLIER le qualifie de grade charnière entre les loges bleues et les ordres de Sagesse mais aussi d’atelier de perfection du grade de Maître.

 

VENGEANCE ET JUSTICE

 

LA VENGEANCE

L

a vengeance est définie comme l'acte de commettre une action nuisible contre une personne ou un groupe en réponse à un grief , qu'il soit réel ou non, légitime ou non.

Francis Bacon a décrit la vengeance comme une sorte de « justice sauvage qui enfreint la loi et met la loi hors de ses fonctions ». [4]

La vengeance est un donc sentiment particulier qui s’appuie sur la loi du talion [5] et ne tient nullement compte des paramètres ou du bien-fondé de l’action. On rend le mal subi  - même si il était justifié ou légitime – par le mal souvent amplifié. Ainsi, par exemple, le voleur qui se fait dénoncer et arrêter se vengera de son dénonciateur : la vengeance n’évoque pas la légitimité. La vengeance engendrera une nouvelle vengeance et aboutira à la vendetta.

La vengeance nait d’un sentiment de colère et ne repose, de ce fait, pas sur une analyse objective de la situation mais bien sur une interprétation. La réalité du fait commis engendrant désir de vengeance n’a pas plus d’importance : il peut ne consister qu’en une  simple perception (erronée) voire ne résulter d’une invention mensongère.

La vengeance fait appel à une morale libre à chacun. La vengeance se distingue alors de la punition par l’intention de son auteur, qui, motivé par la perspective de la souffrance de l’autre, cherche non pas à rendre justice mais à soulager son sentiment d’injustice. Elle s’associe d’ailleurs souvent à d’autres passions : l’orgueil, l’honneur, la jalousie, la rage, la rancune, le ressentiment, la haine, la trahison, l’offense.

En notre psychodrame se situant à l’époque du Roi Salomon, la vengeance est prônée par la loi de Moïse, par la Thorah et définie sous forme de loi du talion dans le pentateuque à multiples citations. « Ton œil sera sans pitié : vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied. » (Deutéronome, 19,21). Déduisons donc de ceci que le désir des MM\ ainsi que la demande formulée par Joaben s’intègrent donc tant dans la logique que dans la légitimité de l’époque.

LA JUSTICE

L

orsque nous évoquons la justice – et surtout dans le cadre d’une recherche philosophique ou spirituelle – il conviendrait de distinguer justice des hommes (institutionnelle) de justice naturelle ou divine.

La justice comporte au départ une analyse objective des faits et tient compte de ce que nous appelons les circonstances atténuantes. Les faits demandant réparation et justice doivent être non seulement réels mais probants. Au fond, elle débute par une recherche de la Vérité. Elle ne résulte pas d’un sentiment réactif de colère mais d’une instruction. La justice des hommes n’est cependant point l’équité et n’exclut point l’erreur dite judiciaire. La légitimité reste ici un facteur important. La justice repose sur un code, sur une loi collective.

La justice naturelle ou divine, que symbolise l’arcane majeur XI du tarot de Marseille, s’apparente plus à une justice karmique et rejoint l’équité. Elle émane d’une source transcendante et peut être contradictoire à celle des Hommes. Ceci rejoint les concepts hindouistes du karma.

Comme nous le voyons, ces deux concepts de vengeance et justice divergent profondément.

EVOLUTION DE CES CONCEPTS AU Ier ORDRE

C

omme nous l’avons vu, nous partons donc d’un souhait général de vengeance exprimé tant par les MM\ que les membres du Conseil et mis en projet puis en action par Joaben. C’est la demande initiale.

Celle-ci sera cependant modifiée par le TS avant le départ de Joaben : la phrase du rituel « tâchez de les amener. Souvenez-vous de n'attenter à leur vie qu'autant que la vôtre sera en danger. Partez ! » ne vise plus une vengeance soit une exécution mais bien de les ramener vivants devant le Conseil. On en déduit que l’intention à ce moment du TS est de faire un procès soit de mettre en place la justice humaine et institutionnelle. De ce fait, le TS – le roi Salomon – se réattribue la fonction de rendre justice.

Joaben voit donc ainsi sa demande de fonction de vengeur transformée en une fonction de « policier » chargé d’arrêter les coupables et de les amener devant le Conseil.

Enfin, la finalité du psychodrame démontre que c’est la justice naturelle divine qui jouera et que Joaben n’en sera que le témoin puis le messager-rapporteur au Conseil.

DIVERGENCE AVEC LE REAA

L

e grade 9 (Elu des 9) du REAA relate le même contenu si ce n’est que Joaben exécute lui-même la vengeance en poignardant les meurtriers d’Hiram et que la leçon morale soit qu’il est devenu lui-même par son acte un meurtrier, ne lui est donnée qu’à son retour. Ceci rappellera à certains les débats du la peine de mort.

Il n’y a, en ce rite, nulle intention initiale de faire fonctionner la justice des hommes ni intervention de la justice naturelle.

Il s’agit donc bien du premier grade de vengeance de ce rite : il y eut bien vengeance et on peut s’interroger vu le reproche postérieur, pourquoi le TS n’eut pas même attitude qu’en notre rite ou du moins ait interdit la mise à mort préalablement à l’expédition ? Mais, n’oublions pas le caractère allégorique …

Notons aussi qu’en notre rite, nous ne connaissons qu’un seul nom des meurtriers : ABIBALA. Je soulignerai que plusieurs rites leur donnent des noms différents.

DEUX QUESTIONS SE POSENT …

E

n premier, et cela relève de la maîtrise, comment nous, Maîtres Maçons, connaissons-nous les circonstances de l’assassinat d’Hiram commis par trois mauvais compagnons ? Il n’y eut, en effet, aucun témoin de ce meurtre et Hiram est mort sans, dès lors, avoir pu se confier à un tiers. En ces circonstances, même leur identité restait inconnue.

Aussi, dans le cadre d’une procédure en justice, quels auraient été les éléments probants d’accusation voire même de simple arrestation ? Comme il est dit dans le rituel de Maîtrise, seuls les outils laissés près du corps permettaient de relier le meurtre à la classe des compagnons mais point à des individus particuliers. La recherche sur base des empreintes digitales n’existait point encore. Le Procureur n’avait dès lors aucun élément d’accusation.

On peut donc en déduire que ce qui a trahi nos trois comparses, c’est leur fuite ce dont un inconnu fut témoin. Mais cela semble bien faible … Le suicide pourrait confirmer cette culpabilité mais, ici aussi, rien n’est certain et il n’aurait pu qu’être la conséquence de la peur.

Imaginons un seul instant que nos trois complices fussent arrêtés et traduits en justice, il leur aurait simplement suffit de nier pour être relaxés !

De ce raisonnement, découlent plusieurs conclusions :

1.      Si la justice humaine requiert des éléments probants, tel n’est pas le cas de la justice naturelle ou divine ;

2.      Il en est de même pour notre conscience : un coupable sait qu’il l’est même si tout le monde le pense innocent.

En second, le rituel stipule en la voix du TS : « Allez du côté de Jappa, près d'une caverne au bord de la mer, nommée la caverne de Benacar, vous y trouverez Abibala et ses complices ; tâchez de les amener. ».

Voilà qui est étrange car cela démontre que le Conseil ou du moins le TS connaît l’identité des assassins de l’architecte et de plus, connait l’endroit où ils se cachent. Un inconnu serait sa source[6]. Si le TS représente le roi, il disposait donc de soldats ou d’une milice pour les envoyer immédiatement sur les lieux de la cachette et arrêter les coupables. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait avant la venue de Joaben ?

Si on se rappelle le fait que la première action du TS envers Joaben fut de s’assurer par un tuilage plus que complet de sa qualité de Maître-Maçon, on peut sans doute en déduire que quel que soit son intention sur une mission, le TS voulait qu’elle soit remplie par un membre de l’ordre et non un extérieur, qui plus est, un maître. Pourquoi ?

Voulait-il que l’affaire reste interne à l’Ordre ? Avait-il perdu confiance en la classe des compagnons ?  Voulait-il connaître le mobile du meurtre ? Autant de questions laissées à votre réflexion.


LA FIN DES 3 MEURTRIERS


C

omme le soulignent le rituel et l’instruction du grade, nos trois meurtriers meurent et on a tendance à ajouter « par suicide ».

 

Si, en effet, le suicide est établi pour ABIBALA qui se plante un poignard dans le cœur, ce n’est pas si certain pour les deux autres : leur précipitation dans la fondrière peut-être due à un accident dans leur précipitation de fuir.

Reste commun, c’est leur volonté de fuir la vengeance ou la justice du Conseil (l’instruction précise pris de frayeur).

 

Certains auteurs maçonniques rapprochent cette fin de celle de l’apôtre Judas. Ce n’est, en effet pas sans intérêt, mais il y a une différence importante. Selon la bible, la pendaison de Judas trouve son origine dans son remord. Il a d’ailleurs déjà rendu le salaire reçu pour son délit. Il pouvait craindre  mais peu probable - une vengeance des apôtres mais certes pas des poursuites judiciaires qui n’auraient pu venir que de ceux dont il avait servi les intérêts. Son geste trouve bien son origine dans le remord et implique donc en son chef, une prise de conscience et du regret. Il fut trop lâche pour solliciter un pardon et préféra la mort.

 

Dans le chef de nos trois compagnons, nous ne trouvons aucune prise de conscience, aucun remord ou regret, juste la frayeur de devoir répondre de leur délit voire de devoir subir des souffrances plus pénibles que la mort. Nous y reviendrons en évoquant la caverne et le chien.

 

Qu’il me soit donc permis de faire cette boutade, boutade mais non moins dépourvue de sens.

Si dans l’histoire chrétienne, Judas n’avait pas trahi « Jésus-Christ », ce dernier n’aurait pas été crucifié en donnant sa vie pour les hommes. La religion chrétienne telle que nous la connaissons selon ce qu’en a fait l’église catholique institutionnelle aurait-elle alors vu le jour ? Aussi, l’Eglise Catholique ne devrait-elle pas remercier Judas ?

Et nous francs-maçons, existerions-nous si les trois mauvais compagnons n’avaient pas commis de meurtre ? Devrions-nous dès lors leur rendre hommage ? A chacun de trouver réponse …

 

 

Un mot sur la fondrière. La fondrière, c’est un lieu parfois profond et marécageux qui n’est pas sans évoquer symboliquement les derniers méandres de notre inconscient. Et pourtant, même en cet endroit difficilement accessible, le crime sera puni.

Notons que notre tableau de la chambre de préparation comporte 3 têtes, ce qui implique que Joaben est descendu dans la fondrière pour récupérer ces têtes et les ramener au Conseil.


JOABEN et ABIBALA

 

JOABEN

D

éjà en loge bleue, au grade de maître, nous nous sommes identifiés au Maître Hiram, notre architecte assassiné mais à contrario de lui, nonobstant le mythe, nous nous sommes, nous, peut-être sans avoir réelle conscience de notre résurrection, relevés du tombeau tels Hénoch, Lazare ou Jésus. [7]

Et nous voici maintenant aux portes des Ordres de Sagesse et de nouveau, on nous demande de nous identifier à un autre personnage biblique au nom étrange de Joaben.

Bien entendu, de nombreux renseignements nous sont donnés sur ce personnage tant dans notre discours historique que dans les écrits de nos auteurs favoris. C’était, nous dit-on, un maître maçon, sans doute secrétaire, serviteur du Roi Salomon, épris de venger son maître assassiné conformément à la loi des juifs, la tristement célèbre loi du talion.

JOABEN reste bien entendu un ouvrier du temple de Salomon, maître maçon, et donc forcément un juif.

Son nom est significatif : Joah – ben. Il ne faut pas maîtriser la langue hébraïque pour savoir que BEN, beth-nun, veut dire fils. Notre Joaben est donc le fils de Joah, plus exactement de Jah car il faut savoir que l’hébreu ne comprend pas de voyelles et laisse donc, aux occidentaux que nous sommes, une certaine liberté à ce sujet. Notre illustre héros est donc le fils de JAH. Cela certes ne vous éclaire pas d’avantage bien que ce JAH francisé en J.A. figure sur le tapis de loge dans un autre rite, le rite écossais rectifié, qui l’a quelque peu emprunté  au rite moderne.

Ce JAH, iod-he, ne serait pas un oui dans la langue de Vondel mais un des noms de Dieu, en fait la contraction du nom divin iod-he-vav-he, communément écrit par les européens Jéhovah et JAH signifie littéralement souffle divin, souffle de l’esprit, ce que l’on pourrait mettre en relation avec le Verbe du prologue de Jean qui figurait jadis en nos loges. Les maîtres maçons reçus au rite français se souviendront dès lors de cette inscription sur le tombeau du tapis de loge ainsi que de cette ancienne parole des maîtres qui circula entre eux avant le premier voyage de la réception à la maîtrise : JEHOVAH !

Dès lors une première déduction s’impose logiquement : notre Joaben est … le fils de Dieu, plus exactement le fils du souffle divin mais encore plus le fils de Jéhovah ! Notons qu’en soi, l’appellation de fils de Dieu n’est pas dérangeante ni présomptueuse puisque le Nazoréen enseignait que tous les hommes étaient fils de Dieu et que contrairement à ce que beaucoup pensent, il se présentait lui non comme le fils unique de Dieu mais comme le fils de l’Homme.

Allons plus loin, en notre tradition européenne, qui reconnaissons-nous généralement comme le fils de Jéhovah ? Oui, un appelé Jésus. Joaben serait-il ou préfigurerait-il ce fameux Jésus ? Autrement dit, preniez-vous le rôle de Jésus lorsque vous étiez Joaben frappant à la porte ?

Certes pas, n’anticipons pas les ordres de Sagesse. Retenons donc pour l’heure que Joaben confirme la qualité de tout maître maçon soit fils de la Lumière mais aussi du souffle de l’Esprit.

Allons encore un peu plus loin …

Face au cadavre de leur maître-architecte, Hiram mort, la question que devaient se poser les Maitres Maçons consistait de savoir qui serait dorénavant l’architecte qui les dirigeraient en leurs travaux. Qui serait leur guide ?

Remarquons que Jésus, Ieshouah, s’écrit par l’adjonction de la lettre Shin au milieu du tétragramme donnant ainsi Iod-hé-Shin-vav-hé et la lettre Shin signifie … le feu mais aussi de donner à ce qui est mort le feu de la vie ! Mais le Shin signifie aussi le souffle divin des Elohim (ruah elohim), celui même qui donna vie à l’homme. Joaben, fils du souffle divin est donc le fils de Shin, le fils qui redonnera la vie, spirituelle, à l’homme.

Revenons un peu en arrière, lorsque nous étions apprenti du rite français. A ce degré, l’instruction nous demande « qu’avez-vous vu lorsqu’on vous a donné la lumière ? », nous répondons « le soleil, la lune et le maître de la loge ». Curieuse réponse car si notre vision reste sur un même plan, ce que nous avons vu est le soleil, la lune et … l’étoile à 5 branches.  Cette étoile qui à notre rite figure à l’Orient et décore le sautoir du Vénérable. Si nous nous souvenons que des anciens rituels appellent également le Vénérable, le maître de loge ou le maitre architecte, on peut donc supposer un certain lien entre l’étoile et l’architecte mis en exergue par le soleil et la lune, ce qui n’est pas sans rappeler certains tableaux ou icones où il est coutume de placer un certain personnage au milieu de la lune et du soleil.

Notons que dans le symbolisme maçonnique, l’étoile figure le pentagramme et symbolise également l’homme. Ajoutons dès lors que cet homme-étoile devient flamboyant au deuxième grade sous l’action du G. Cela n’est certes pas sans signification … si on considère que l’homme-étoile n’est autre que Jéhovah et doit devenir l’homme-étoile flamboyant. Que celui qui a des oreilles entende !

Une autre clé se situe dans le rituel du Maître qui nous dit que « Le dénombrement qui fut fait de tous les ouvriers, les porte à 183.300. L’histoire les nomme “ prosélytes ”, ce qui dans notre langue signifie “ étrangers admis ”, c’est-à-dire : “ initiés ”. » Ce nombre de 183300 ne fut pas choisi par hasard par nos prédécesseurs du 18ème siècle, férus de codifications et autres mystifications. Ce nombre renvoie à une signification qui va plus loin que la guématrie hébraïque et, en vous passant les détails, renvoie directement à la lignée de David. Et ces ouvriers sont dirigés par Hiram dont la légende nous confirme son appartenance à cette même lignée. La lignée de David qui selon la tradition biblique nous sortira un nouvel architecte, un messiah.

Dès lors, si nous tentons de reformer le puzzle de la maîtrise française, on peut en déduire les conclusions suivantes :

Le maître français, assimilé à Hiram, meurt à l’ancienne alliance que symbolise Jéhovah et doit renaitre à une nouvelle alliance au travers d’un nouvel architecte de la lignée de David dont il se doit de trouver l’identité comme l’invite le nouveau mot du maître. Bien entendu, l’identité de l’architecte de la lignée de David qui figure entre la lune et le soleil et qui fait le passage entre l’ancienne alliance et la nouvelle ne soulève que peu de mystère !

En termes bibliques, puisque notre tradition maçonnique originellement exclusivement initiatique et spirituelle se fonde sur la bible, il est généralement reconnu l’ancien testament comme l’ancienne alliance et le nouveau testament comme la nouvelle alliance. Et pour les chrétiens, celui qui fait passer de l’ancienne alliance à la nouvelle n’est autre pour les profanes que Jésus-Christ et pour les initiés de la Gnose, du Christ. Ne croyez surtout pas que c’est la même chose : bon nombre furent persécutés à cause de la différence qu’ils y mettaient.[8]

Et cette différence, c’est aussi peut-être aussi ce qui fait la différence entre un catholique romain et moi, franc-maçon.

Dès lors, si le nouveau maître maçon ne perçoit que la symbolique exotérique de ce qu’il vient de vivre, il n’a plus qu’une seule chose à faire, c’est de se convertir et d’aller à la messe !

Or, nous savons que l’allégorie de la construction du temple de Salomon ne vise, maçonniquement, que de nous construire en tant qu’Homme et que dès lors cette construction est interne, en nous-même. Dès lors, c’est en nous que nous devons chercher ce nouvel architecte, ce christ intérieur. [9]

Le guide de Joaben mais donc aussi le nôtre sera l’étoile du matin.

Etoile du matin, clin d’œil qui n’est pas sans rappeler la Reine du Matin, chère au Roi Salomon, soit la Reine de Saba dont les vertus étaient l’intelligence et la sagesse. Tiens amusant, Binah et Hochmah, les deux séphires qui nous ramènent à Jakin et Boaz en leur signification réelles d’initiation royale et sacerdotale autres que celles de bureaux de salaires que les maçons ne leur accordent aujourd’hui.

ABIBALA

O

n nous communique le nom d’un seul des 3 mauvais compagnons soit ABIBALA dont on nous précise qu’il signifie meurtrier du Père.  Bien entendu, nul n’ignore que la victime d’ABIBALA est l’architecte Hiram.

Nous en déduisons une première équation : PÈRE = HIRAM.

Il convient alors de retourner au grade de Maître où nous assistons à la mort d’Hiram. Le tableau de ce garde fait figurer un tombeau sur lequel figure le nom de Jéhovah et non d’Hiram. Il est pourtant commun  de mettre sur un tombeau le nom du défunt et non un autre.

D’où, une deuxième équation : HIRAM = JEHOVAH.

Et enfin,  ABIBALA = MEURTRIER D’HIRAM = MEURTRIER DE JEHOVAH.

Revenons au 1er Ordre où Joaben se présente pour venger la mort d’Hiram soit, si on tient compte de nos équations, pour venger la mort de Jéhovah, du Père dont ABIBALA est tenu comme principal responsable.

Pour les amateurs d’ésotérisme, une piste soulevée par plusieurs auteurs fut de rapprocher ABIBALA du diable ASMODEE, présent dans l’église de RENNES-LE-CHÂTEAU, et qui a toujours soulevé de multiples interrogations. Ce site géographique comporte d’ailleurs de nombreux autres points communs avec notre rituel comme par exemple la caverne. Examinons maintenant le fameux diable de l'église. Il présente une particularité que les maçons connaissent bien ; il a un sein et un genou découvert et est réputé boiteux, ce qui est l'image suggérée de l'initié [10]Si le mythe populaire veut que notre ASMODEE tienne en main un trident, rien ne l’a jamais démontré. Une carte postale dessinée par l’abbé Saunière lui laisse les mains vides. Mais nous trouvons aussi des photos où … il tient un poignard. Une légende talmudique indique le roi Salomon incitant ASMODAI à collaborer à la construction du temple de Jérusalem pour le chasser ensuite et le bannir dans un rocher, ce qui n’est pas sans rappeler notre caverne. Curieux car Abibala est aussi un franc-maçon qui travailla donc à la construction du Temple.

« La conscience nous juge » nous donne un enseignement précieux. Ce serait donc la conscience d’Abibala qui l’a amené à cette fin et pourtant nous venons dire qu’aucun remord de fut exprimé. Cela n’est pas contradictoire et n’exclut pas une action de la conscience.

Notre juge divin serait donc notre conscience mais qu’est-ce que la conscience ?

Il convient peut-être de faire référence à la gnose qui nous est donnée comme clef au deuxième grade de notre rite. Les gnostiques tels Basilide ou Cerinthe, à l'image des « initiés » de ce temps, voyaient en Jésus, non un personnage historique, né d'une vierge et capable de marcher sur les eaux tel que l’a défini le concile de Nicée mais un être mythique, et le but de tout initié chrétien était de développer sa conscience pour devenir un Christ qu’il nommait Christ intérieur, étincelle divine, … ce que Freud nommerait peut-être le Soi. Et rappelons que le iod contenu dans le nom de Joaben symbolise pour les kabbalistes ce germe divin caché au cœur de la création dès son principe mais aussi la connaissance.

Est-ce si étrange ?

Citons Maître ECHKART : «  L'homme intérieur c'est le champ où Dieu... Celui qui Est l'Être qu'il Est... a planté Son image et Sa ressemblance ...et où il jette la bonne semence, la racine de toute sagesse, de tout art, de toute vertu, de toute bonté.... Cette Semence est le Fils de Dieu, le Verbe de Dieu... "( L'homme intérieur c'est le champ où Dieu... Celui qui Est l'Être qu'il Est... a planté Son image et Sa ressemblance ...et où il jette la bonne semence, la racine de toute sagesse, de tout art, de toute vertu, de toute bonté.... Cette Semence est le Fils de Dieu, le Verbe de Dieu... "

Poursuivons avec Origène : « Le Fils de Dieu est au fond de l'âme comme une source d'eau vive. » Tout comme la source, la fontaine à laquelle nous avons bu symbolise le passage du profane au sacré, la purification et … l’éveil de la conscience.

La conscience deviendrait alors l’outil d’expression de ce moi intérieur. Toutes les traditions initiatiques, toutes les religions originelles, toutes les philosophies passées prônent et vise l’éveil de la conscience : la franc-maçonnerie n’y échappe pas.

Rappelons que la doctrine chrétienne originelle se rapprochait du bouddhisme où l’homme doit suivre la voie de bouddha pour devenir lui-même bouddha, en invitant l’homme à devenir lui-même un christ, un dieu.

YYY

Nos rituels maçonniques de réception constituent des psychodrames basés sur des allégories. Nul ne consteras  que tous les personnages de celles-ci sont présents en chaque maçon. Nous étions au grade de maître à la fois Hiram et les trois mauvais compagnons. Ici aussi, nous retrouvons en nous JOABEN mais aussi ABIBALA.

Aussi, devons-nous tirer les leçons de chacun de ses deux personnages.

Quant à Abibala qui est tout aussi en nous que Joaben, il se retranche en notre caverne et fait de nous un fils de la stérilité (ben acar), stérilité de notre conscience, de notre connaissance, ... C’est ainsi que c’est dans les profondeur de notre nuit, de notre caverne, que l’Homme Abibala peut rencontrer Joaben, le fils de yah, le fils du souffle divin afin que la lumière de la providence puisse éclater et que le germe de notre conscience puisse renaître ravivé par l’eau de notre fontaine.

La boucle est bouclée et nous pouvons clore notre deuil d’Hiram : si la parole est perdue, si nous n’avons pas encore l’âge à ce grade de la retrouver, nous savons que notre conscience nous mènera à l’architecte qui nous permettra un jour de la retrouver.[11]

 

VINCERE AUT MORI


V

incere aut mori, vaincre ou mourir, telle est notre devise du grade et pourtant, elle n’apparait pas dans le rituel de réception. Aucune phrase même du rituel ne laisse penser que le TS aurait déclaré ou menacé Joaben de mort s’il ne réussissait pas sa mission.

La devise en elle-même semble plus relever d’une caste militaire. Elle fut prononcée par Eudes de SAINT-AMAND, Grand-Maître de l’Ordre du Temple de 1171 à 1179, lorsque celui-ci fut capturé par Saladin qui exigea une rançon. Refus d' Eudes de Saint-Amand: « Je ne veux point autoriser par mon exemple la lâcheté de mes religieux, qui se laisseraient prendre dans l'espérance d'être rachetés: Un Templier doit vaincre ou mourir, et ne peut donner pour sa rançon que son poignard et sa ceinture. ». [12]

Cette réplique confirme bien la vision populaire que nous avons des Templiers, réputés pour combattre jusque la mort et qui ignoraient la retraite.

La question qui se pose pour nous francs-maçons qui ne sommes point guerriers, c’est de savoir quel enseignement retirer de notre devise ?

Notre initiation reste un chemin difficile, plein d’embûches, un véritable combat contre nous-même pour chercher la Lumière et devenir un homme accompli. En ce combat, il n’y a nulle demi-mesure.

A ce propos, le TCF \René GUENON [13] mettait en garde en nous disant que l’initiation n’était pas un chemin à entreprendre à la légère. Elle est très exigeante et amène de nombreux combats contre soi-même. Si on parvient à les surmonter, elle nous fera renaître en un homme nouveau mais si nous échouons, elle laissera des séquelles qui pourraient anéantir notre personnalité.

A ce grade, Joaben doit vaincre Abibala


LA CAVERNE, LA SOURCE et LE CHIE

LA CAVERNE

L

a caverne figure, sous diverses formes, en multiples mythes, de la grotte de Bethléem à la caverne de Platon en passant par celle d’Ali Baba.

Selon Platon, la caverne est le lieu de passage entre l’invisible et le visible, entre ce qui est atemporel et ce qui rentre inexorablement dans le temps chronologique ou historique. L’enceinte est une protection, un rempart, une délimitation entre un espace intérieur et un espace extérieur ; mais c’est aussi un passage, une porte, une initiation vers la lumière du jour. La descente de l’âme immortelle dans le monde concret l’a rendue prisonnière au fond de la caverne, sans avoir aucun souvenir conscient de son origine divine, de sa véritable nature.

La caverne est un lieu d’initiation avec la perte de repères au moment de l’aveuglement et la nécessité de vaincre peu à peu les ténèbres, par soi-même. Elle permet la naissance à de nouveaux concepts, modes de vie et perspectives. Il faut mourir et renaître, et s’initier aux mystères de la vie et de la mort.

La caverne met en évidence la condition de l’homme fait de «l’un et de l’autre», de Joaben et d’Abibala. Il est enchaîné et prisonnier, mais il possède la puissance d’apprendre. Il possède cet œil de l’âme qui a du mal à se détacher de l’obscurité et qui doit se «retourner» pour aller vers ce qui est lumineux. Il vaincra ou il mourra.

Pour YUNG [14], la caverne représente les ténèbres et l’isolement de l’inconscient. En psychanalyse, la caverne obscure et profonde symbolise l'inconscient, notre moi intérieur difficilement accessible. Entrer dans la caverne, c’est faire retour à l’origine, et de là, tenter l’ascension. Nous avons déjà étudié un symbolisme voisin lors de l’étude du cabinet de réflexion au grade d’apprenti. La caverne est le lieu de passage de ceux qui cherchent la vérité.[15] On notera que comme dans le rêve de Jung, nous avons en cette caverne trois personnages avant l’arrivée de Joaben …

Chacun peut s’interroger de savoir pourquoi Abibala et ses complices se sont terrés dans une caverne, finalement proche de Jérusalem, plutôt que de fuir en une contrée lointaine.

Cette caverne, elle est en nous comme l’était le cabinet de réflexion et nous devons faire notre introspection qui part des 3 mauvais compagnons puis de Joaben. Cette caverne est alors comme le souligne notre instruction, de par son nom, un lieu stérile. L’arrivée de Joaben change cet état.

Entrer dans la caverne, c’est entrer en nous-même comme dans la chambre de réflexion, c’est entrer dans les profondeurs de notre moi intérieur pour affronter nos carences et défauts (ABIBALA) mais aussi nos possibilités (JOABEN).

LE CHIEN

L

e chien se définit comme le meilleur ami de l’homme l’accompagnant fidèle en sa vie mais aussi, selon le mythe égyptien d’Anubis, au travers de la mort. Animal psychopompe, il est un guide pour l’homme. Dans l'iconographie chrétienne, le chien qui est représenté aux côtés des saints a un rôle positif et actif. L’instruction nous précise qu’il s’agit du chien de l’inconnu.

C’est lui, pistant, qui montre le chemin à Joaben et on retrouve dans son symbolisme, celui de la conscience et de l’intuition. Ce sont ces deux vertus qui nous guideront en notre caverne. Ce symbole n’apparait pas très important à première vue et pourtant sans le chien, Joaben ne trouverait pas le meurtrier d’HIRAM … 

Mais encore, le Chien défend le chemin qui conduit à l'intérieur de soi-même, vers une sorte de sanctuaire intérieur caché, dans lequel siège le plus mystérieux de la personne humaine, aux profondeurs de l'inconscient et au terme duquel s'opère la transformation du moi, lorsque sur le retour, à la fin du voyage... au terme de ce passage des ténèbres à la Lumière, marquera la victoire du spirituel sur le matériel et, en même temps, de l'éternel sur le périssable, de inintelligence sur l'instinct, du savoir sur la violence aveugle.

LA SOURCE

S

on action finie, on nous dit que Joaben se désaltère dans une source. Symboliquement et bibliquement, l’eau de source soit l’eau vive, voire l’eau pure en général, est symbole d’une revivification de l’Esprit, d’une régénération de l’Esprit. De nombreux épisodes relatent que Dieu fit jaillir des sources dans le désert. Elle devient de ce fait symbole de la parole divine, du verbe, de l’Esprit.

Ceci n’est pas sans évoquer le Baptiste et son baptême d’eau, précédant celui du feu. Si l’eau vivifie l’esprit, le baptême lui donne vie.

Si on prend comme référence notre moi intérieur, caverne, chien et source sont intimement liés et nous livre une profonde leçon pour notre évolution initiatique.

 

LE POIGNARD

N

otre bijou consiste en un poignard. La seule mention du poignard en notre allégorie reste que Abibala se suicide en enfonçant son poignard en son cœur. Poignard qui sera ensuite saisi sur ordre par Joaben.

Le poignard que nous détenons est donc le poignard d’un des meurtriers. Le poignard, par extension le couteau,  symbole de violence et de précision, symbolise en psychanalyse le sexe masculin. Il comporte, comme l’épée, une dimension initiatique mais reste dénué de la dimension chevaleresque.

En symbolisme, le poignard a pour signification la vengeance, justice et l'honneur, ce qui rencontre parfaitement notre allégorie visant ces thèmes. Ils sont faciles à dissimuler sous les vêtements. C'est pourquoi ils sont souvent considérées comme des armes fourbes, utilisées pour les conspirations et les assassinats furtifs.

Selon la bible,  le couteau ou poignard est l’arme du sacrifice : dans l’Ancien Testament, l’Éternel demande à Abraham de sacrifier son fils Isaac pour éprouver sa foi. Au moment où le patriarche va abattre le couteau sur la gorge de l’enfant, un ange retient son bras. C’est un bélier qui sera sacrifié sur l’autel, à la place d’Isaac. Le mythe raconte comment l’homme passa ainsi du sacrifice humain, au sacrifice animal.

Le poignard reste, dirons-nous, une arme moins noble que l’épée et, selon la littérature, usité surtout par les brigands. Il sied donc bien à ABIBALA même si Hiram ne fut point poignardé.

Il n’est dès lors pas inintéressant de souligner qu’à notre grade, le poignard vient remplacer l’épée du TS tant pour les ouverture et fermeture des travaux que pour la consécration du récipiendaire. C’est assez interrogateur surtout qu’au XVIIIème siècle,  l’épée faisait partie du décor du maçon et était portée tant en loge qu’en chapitre.

L’utilisation de l’épée pour la consécration au grade rappelle chez nous l’adoubement (épée droite) et en d’autres rites le caractère transcendantal voire divin (épée flamboyante). Tous les grades sont conférés par l’épée sauf notre 1er Ordre. On lui substitue ici un poignard. N’est-ce point étonnant ?

Comme le souligne Francis POMPONI [16], l’épée reste l’arme des duels au moyen-âge, duels entre personne de même rang et de même condition. Le duel n’exclut point le respect de ces conditions et rang. Le poignard est utilisé, par contre, pour l’exécution d’une personne pour laquelle nous n’avons aucun respect et même qui ne mérite que notre mépris [17].  Tel n’est-il pas le cas pour ABIBALA ?

Un autre point intéressant si on compare notre rite avec le REAA. Le rituel du 12ème grade REAA précise que Joaben ressort de la caverne avec un poignard ensanglanté. Tel n’est pas le cas chez nous bien que le poignard ait effectivement servi mais non à Joaben et bien à ABIBALA. Et cet autre rite, nous trouvons d’ailleurs des tabliers du grade qui, outre le poignard, font figurer des gouttelettes de sang. Notre tablier fait figurer 9 flammes évoquant les élus envoyés.

Notre TCF\ Roger DACHEZ tente de définir qu’en notre rite, le poignard perd sa qualité d’arme et ne reste finalement qu’un symbole, le symbole du sentiment initial de vengeance qui doit être transmuté. Il ajoute sue selon notre rituel, tous les membres du Conseil dispose d’un poignard en communion avec l’acclamation vengeance.

Si on se rappelle la lame du Tarot de la justice, on voit que le personnage est en effet pourvu d’une épée. Si notre poignard nous rappelle en effet notre sentiment de vengeance, il doit devenir une épée, sentiment de justice comme le précise Robert WANG.[18]

 

CONCLUSIONS

 

C

e 1er ordre de Sagesse, que vous avez vécu, n’est que la première étape d’une progression bien établie et qui aboutira, après l’étape purificatoire du 2ème Ordre, la libération du 3ème Ordre, à la finalité de notre rite, le 4ème  Ordre de Souverain Prince Rose Croix où toute mystification tombera. Pour paraphraser un autre Ordre initiatique, je dirai que :

L’apprenti déclare qu’il cherche le chemin

Le maître déclare qu’on lui a indiqué

Et le SPRC qu’il le connait 

Si quelqu’un veut apprendre à jouer du piano, il ne s’arrêtera pas après ses deux années de solfège, c’est évident. Il en est de même pour le parcours maçonnique. On ne peut en comprendre le sens, en retirer tout l’enseignement, qu’en sa finalité du dernier grade des Ordres de Sagesse.

Comme dit dès le départ, ce baustre n’est issu que de ma réflexion personnelle et ne constitue nullement une quelconque instruction. Il ne vise qu’à ouvrir des pistes, à les partager avec vous et à vous inviter à les poursuivre sur le plan personnel. Rien de plus …

Mon dernier mot sera une invitation à méditer la pensée de Simone de BEAUVOIR que j’ai quelque peu maçonnisée :

« Le principal fléau de la franc-maçonnerie n’est pas l’ignoranc


[1] VIGIER, MOLLIER, MAINGUY …

[2] Nous noterons qu’en notre rite, quel que soit le grade, les gants sont toujours blancs

[3] 4ème grade du REAA

[4]  In Wikipédia

[5] La loi du talion, une des lois les plus anciennes, consiste en la réciprocité du crime et de la peine. Cette loi est souvent symbolisée par l’expression « Œil pour œil, dent pour dent ».

[6] Pourquoi le laisse-t-on comme inconnu alors que dans le cadre d’une justice, il pouvait être cité comme témoin ?

[7] Extrait de mon balustre « Joaben ou de Jehovah à Jésus »

[8] Catharisme, templier, …

[9] Tel est d’ailleurs l’objet de la queste alchimique de recherche de la pierre philosophale

[10] Souvenons-nous de notre initiation.

[11] IVème Ordre de Sagesse

[12] Jacques ROLLAND, les templiers

[13] René GUENON, Aperçu sur l’initiation

[14] Deux garçons se trouvent dans une caverne; un troisième tombe à l’intérieur comme par un tuyau.

[15] Monique DURET, la caverne, balustre UNURM

[16] Francis POMPONI, Vendetta, justice et politique en Corse

[17] Ceci pourrait être mis en relation avec les exécutions de l’état islamique

[18] Robert WANG, le tarot jungien

Playdoyer pour les Ordres de Sagesse

E

n notre société, l’apprentissage d’un art, d’une science ou même d’un sport, bref d’un quelconque enseignement, s’échelonne par étapes successives. Passer d’une classe à la suivante reste parfois sanctionné par un examen mais en tout cas, nécessite d’avoir compris et assimilé l’enseignement du degré actuel.

La maîtrise de la connaissance de la matière visée n’est reconnue qu’une fois le parcours terminé en sa dernière étape. Nul ne reconnaitrait comme médecin un étudiant ayant abandonné ses études médicales en seconde année. Ou encore, un pratiquant d’aïkido revêtu d’une ceinture verte aurait peu de crédit s’il se vantait de connaitre parfaitement cet art martial. Nul ne reconnaitrait leur compétence réelle en leur art respectif.

D’un autre point de vue, l’étudiant qui manifeste un réel intérêt pour son art ne limitera certes pas son étude en arrêtant son parcours à mi-chemin, se privant ainsi d’autres connaissances. Nul d’entre nous voulant connaître un roman ne limitera sa lecture prématurément au deuxième chapitre, se privant ainsi de connaître l’épilogue. C’est une évidence, me direz-vous, mais …

Notre société occidentale diffère quelque peu de celle de l’orient mettant parfois prématurément une finalité là où les orientaux y voient un début. Ainsi, si dans les arts martiaux, nous voyons en la ceinture noire un objectif à atteindre, une finalité, une reconnaissance de maîtrise, les orientaux nous rappellent que shodan (premier dan) évoque la qualité de … débutant. [1] Il ressort ainsi que là où nous mettons une finalité – et don une fin à notre recherche – d’autres y mettent au contraire un départ.

Et sur le plan maçonnique …

N

otre tradition maçonnique ne devrait pas échapper à cette logique. Elle se révèle également sur plusieurs échelons successifs constituant le parcours initiatique. En notre Rite Français, ce parcours commence avec les trois degrés symboliques et devrait, je dis bien devrait, se poursuivre par les quatre Ordres de Sagesse.

Je rencontre de plus en plus de FF\ et SS\- et qui ont été initiés parfois bien avant moi – ayant arrêté volontairement leurs parcours initiatique au grade de maître-maçon. Cette décision résulte parfois d’un manque de temps ou autres paramètres profanes mais, malheureusement,  résulte souvent d’un défaut d’intérêt.

Un maître me déclarait dernièrement que la maîtrise lui accordait tous les droits et prérogatives maçonniques et que dès lors, la suite du parcours devenait inutile. C’est un fait que je ne pouvais certes contester. Aussi, lui répondis-je simplement : « Oui tu as raison pour tes droits mais quid de tes devoirs ? ». 

Être franc-maçon reste un savoir-être et non un avoir que l’on ne peut acquérir que par la progression initiatique complète. A ce sujet, mon expérience d’orateur lors de justice maçonnique, m’a montré qu’il était facile de faire la différence entre un juge titulaire de grades supérieurs et un autre par ce savoir-être particulier.

Si je reprends mon exemple du Shodan, le franc-maçon en loge symbolique, qu’il soit apprenti ou compagnon, risque de concevoir la maîtrise comme son objectif à atteindre, une finalité qui mettra en cause la poursuite de sa recherche.

Ce qui véhicule notre tradition en sa « doctrine » [2], c’est le rite bien plus que les obédiences et leurs règlements. La préservation et le respect du rite en sa forme originelle reste pour moi capital et demeurera toujours ma priorité.

A ce sujet, je reste toujours admiratif du travail réalisé par nos « fondateurs », Montaleau et consorts, pour finaliser ce rite français.

Loge symbolique et Ordre de Sagesse sont en conséquence intimement liés. A titre personnel, je soulignerai que l’éclairage reçu dans les Ordres de Sagesse m’apporta une toute autre vision - et donc compréhension - sur mes cérémonies reçues en loge bleue, particulièrement la maîtrise. Et comme nous le savons, un même symbole peut évoluer en notre acceptation au gré de notre progression initiatique. « Le symbole peut être comparé à un cristal restituant différemment la lumière selon la facette qui la reçoit.[3] » ou encore « On ne peut jamais se flatter d'avoir trouvé le dernier mot d'un symbole. [4] ».

Cela fait plus de trente ans que j’ai reçu la lumière, j’ai parcouru jusqu’à leur finalité le Rite Ecossais Rectifié et le Rite Français, j’ai pratiqué aussi le REAA, le Rite opératif de Salomon et le Rite des Elus-Cohen, j’ai lu multiples ouvrages et vécu des centaines et des centaines de tenues et conseils, bon nombre de FF\ et SS\ voient en moi une référence … et pourtant, je vous avoue en toute humilité que je n’ai qu’une faible perception des rites précités. Je reste et resterai un cherchant. Au terme de ma vie maçonnique, je suis comme Jean GABIN : « Maintenant je sais, je sais qu’on ne sait jamais ! ».

Si je ne me permettrai point de m’immiscer dans le parcours maçonnique personnel de mes FF\ et SS\ leur laissant ainsi la totale liberté d’y mettre terme au degré qu’ils souhaitent, ce sont plutôt les conséquences de leurs décisions qui soulèvent pour le moins mon inquiétude.

Le rite forme un ensemble cohérent au travers de chaque degré qui le compose et qui sont en interrelation. Aussi, une quelconque modification d’un élément peut provoquer un déséquilibre ou une incohérence.

La structure obédientielle actuelle tend de plus en plus à imposer une scission entre les loges symboliques et les ateliers supérieurs. Si cela reste compréhensible sur le plan administratif et organisationnel, cela devient dangereux sur le plan de la cohérence initiatique. Mon ancienne obédience symbolique interdisait d’évoquer l’existence même des grades supérieurs, ce qui est à mes yeux un non-sens initiatique.

On y retrouve donc en leur Commission des Rituels, des maîtres maçons restés à ce degré et donc dépourvus de la connaissance du rite en tous ses degrés. Certes, leur compétence ne vise que les trois grades symbolique mais ils s’accordent ainsi le droit de modifier des éléments symboliques dont ils ne pourraient comprendre réellement l’importance ou le sens que bien plus tard, en vivant les ateliers supérieurs. En outre, ils suppriment ainsi des symboles sur lesquels les Ordres de Sagesse trouvent leur fondement.

Relégué au second plan, le rite se voit ainsi imposer des modifications dues à des paramètres externes sociétaux voire idéologiques, certes respectables, mais qui dénaturent finalement notre tradition.

Ainsi, par exemple, sous couvert d’une pseudo-tolérance, on a assisté sous l’égide de certains maçons se disant adogmatiques, à la suppression en nos loges, de la bible ouverte au prologue de Jean ou de la référence au GADLU, jugés et condamnés comme relevant de la religion et ceci afin de ne point choquer les FF\ ou SS\ d’autres confessions religieuses ou athées.[5]

Que l’on admette ou non, toute la tradition maçonnique en ses multiples rites fut construite au travers des écrits bibliques et se définit, de ce fait, comme de forme chrétienne. Il y a donc une certaine incohérence à supprimer la mention ALGADLU de nos textes ou la bible mais de conserver Jakin et Boaz, le tableau de Maître en son état ou encore les mots de passe actuels. Cette contradiction déjà visible en loge symbolique devient encore plus évidente lors des IIème et IVème Ordres. Je comprends dès lors que certains d’entre nous, issus de ces loges « adogmatiques » furent quelque peu déstabilisés lors de leur entrée en nos Ordres de Sagesse qu’ils qualifièrent de religieux et non maçonniques, particulièrement le IIème Ordre.

Il est paradoxal de constater que certes animés d’un désir de tolérance [6], ces FF\ et SS \ Maitres, ignorants du rite en sa totalité, provoquent l’inverse de ce qu’ils souhaitent. Ils oublient qu’en nos loge tout est symbole et que le GADLU est un symbole de la Tradition, un signifiant, auquel le maçon accorde le signifié qu’il souhaite selon son acceptation. En supprimant ces symboles, ils suppriment bien entendu leur acceptation primaire profane ou maçonnique, mais ce qui est grave, bien plus grave, c’est qu’ils refusent ou entravent la véritable signification, la Lumière, la Connaissance à nos générations futures à qui notre devoir reste pourtant de transmettre notre tradition qui nous vient du passé et tend vers l’avenir comme le souligne notre chaine d’union.

D’où ma première conclusion empruntée à notre TCF Daniel LIGOU : « le rite français, on l'admet ou on ne l'admet pas, mais il n'est au pouvoir de personne de le changer. » [7]

Loges symboliques et Ordres de Sagesse sont intimement liés.

L

e Régime Ecossais Rectifié comporte cette particularité que tant ses loges que celle de Maître Ecossais de St André ou son ordre intérieur appartiennent à une seule et même structure dénommée Ordre. L’interrelation entre ces trois sous-structures reste donc permanente.

Le candidat à l’initiation qui frappe à la porte d’une loge rectifiée sait que le parcours total du rite en ses sept grades lui est ouvert et accessible. Les discours de l’Orateur lors de ses augmentations de salaire, ne sont autant d’invitations à poursuivre le chemin et à accéder à l’Ordre intérieur des CBCS. Même si sa loge ne dispose pas, en suivi, d’ateliers supérieurs propres, elle dispose toujours d’ un rattachement ou d’un traité d’alliance avec un autre ordre permettant à ses membres la poursuite totale du rite. De mon expérience de ce rite, je retiens que les maîtres qui arrêtent leur parcours à ce grade sont excessivement rares et que leur décision résulte alors de paramètres personnels profanes.

Si l’on fait abstraction des paramètres politico-administratifs obédientiels et que l’on privilégie le rite, il ne fera nul doute que loge et ordres de Sagesse constituent un tout indissociable pour le parcours initiatique.

Cette nécessité de vouloir poursuivre l’approfondissement de la connaissance du Rite Français par les Ordres de Sagesse fut ressentie unanimement par les FF\ et SS\ fondateurs de la RL Tradition et Progrès, seule loge belge à travailler au Rite Français de 1786 en mixité. C’est ainsi qu’ils s’investirent sans réserve à l’allumage des feux du SC Le Prince de Ligne, premier SC mixte du Rite Français, puis du SC Les Chevaliers de la Lumière et enfin, à la fondation de notre juridiction. La totalité des MM\ poursuivaient alors le parcours … tel n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui où site à divers paramètres, le SC Les Chevaliers de la Lumière, a connu une suspension de ses activités. Il s’en ressort un manque de rigueur dans le respect du rite en la loge bleue.

Considérations externes

E

n Belgique, les loges symboliques travaillant au Rite Français en sa version originelle sont assez rares. Les rites les plus pratiqués restent le REAA et le rite moderne belge. On le trouve cependant au sein du Grand Orient de Belgique mais sous des formes plus actuelles[8] telles que le rite Groussier, laïcisation oblige.

Et de ce fait, les chapitres travaillant selon les Ordres de Sagesse sont encore plus rares. [9]

Ces facteurs peuvent naturellement influencer le maître maçon soucieux de poursuivre son parcours. Il n’est de ce fait pas rare qu’issu d’une loge symbolique moderne, il s’oriente par facilité vers les ateliers supérieurs d’un autre rite, soit souvent du REAA.

Cela reste, pour moi, une roue de secours : nous l’avons vu avec l’Elu Secret, la forme et le contenu divergent. Mais aussi, les deux rites sont différents : le REAA comporte en sa finalité un grade de vengeance tandis que le rite moderne se finit par celui de Souverain Prince Rose Croix, grade d’amour.

Sans foute formé par mon rite de naissance, le RER qui dès le degré d’apprenti prépare celui-ci à l’entrée dans l’Ordre intérieur, je reste persuadé qu’il faut vivre de manière autonome les rites que l’on a choisis et selon le parcours qu’il nous propose.

Je reste à ce sujet assez opposé aux équivalences de grades entre les rites que j’ai toujours refusées pour mon parcours personnel préférant certes revivre une même cérémonies mais bénéficier de sa nature propre et spécifique au rite.

Aussi, pour le maçon français, dans l’impossibilité matérielle de se rattacher à un chapitre, je ne peux que lui conseiller de s’intéresser néanmoins aux Ordre de Sagesse, ne serait-ce que par la lecture des ouvrages et du régulateur. [10]

La richesse des Ordres de Sagesse du Rite Français

N

otre rite se charpente sur 7 degrés comme le Rite Ecossais Rectifié d’ailleurs, ce qui reste moins fastidieux que le REAA en 33 degrés ou le rite de MEMPHIS-MISRAÏM en 99 degrés. Cela présente l’avantage que tous les Ordres de Sagesse sont vécus et pratiqués selon ce que je nommerai la méthode maçonnique traditionnelle.

Nos TTCCFF\ Daniel LIGOU [11] et Paul NAUDON [12] ont mis en exergue le fait que chacun de nos Ordres de Sagesse serait, en fait, une fusion de plusieurs degrés du REAA. Si c’est en effet une réalité, ils n’en sont pas pour autant incomplets et ne dénaturent nullement le message initiatique.

Je souligne sur ce point que le Rite Français comporte ses particularités propres et divergentes du REAA. Le Ier  Ordre en la mort des assassins d’Hiram en reste le plus bel exemple : Joaben conserve en notre rite la pureté de ses gants blancs, ce qui n’est point le cas au REAA.

Les Ordres de Sagesse se succèdent en apportant une source de connaissances différentes, une facette différente en notre recherche de la Lumière. Il n’est pas utile de vouloir y trouver une ligne de continuité rationnelle entre eux comme on peut la trouver en d’autres rites. Bien que hiérarchisés, ils sont complémentaires et portent sur des contextes, des cadres, différents.

Comme le souligne notre TCF Yves HIVERT-MESSECA [13], les mythes maçonniques occupent une place centrale dans la franc-maçonnerie. Issus de textes fondateurs ou de diverses légendes bibliques, ils sont présents dans tous les rites maçonniques et dans tous les grades en en constituent la colonne vertébrale. Nous pouvons en distinguer trois principaux :

1.      Le mythe de la construction du temple de Salomon par les tailleurs de pierre, sur lequel se vivent les degrés d’apprenti et de compagnon ;

2.     Le mythe d’Hiram, en relation avec le premier, et sur lequel se vivent les degrés de la maitrise et du 1er Ordre ;

3.      Le mythe chevaleresque sur lequel se vivent les 3ème et 4ème Ordres.

Si on constate que l’aspect chevaleresque est commun à tous les rites en leur finalité [14], pouvons-nous en conclure que le but de la franc-maçonnerie serait de préparer et de conduire à cette chevalerie ? Si cela se révèle une évidence pour le Rite Ecossais Rectifié, ce l’est moins pour notre rite français. Telle est cependant ma conviction personnelle mais à chacun de la partager ou non …

Si on admet ce postulat de but, tous conviendront que la chevalerie n’est appréhendée et accessible que dans les Ordres de Sagesse. Se limiter pour un maçon à sa loge symbolique, c’est renoncer voire se priver de cette évolution chevaleresque, donc finalement de l’objectif final de sa tradition. N’est-ce point dommage ?

 Comme le disait en un article, le premier Suprême Commandeur de notre juridiction,  le rite français est laïc et chimiquement pur : nulle trace en nos rituels d’éléments ésotériques, alchimiques, magiques ou autres. De ce fait, il reste ouvert à tout maçon quel que soit sa confession religieuse ou philosophique pour peu que le maçon ait assez de tolérance pour accepter son contexte comme un signifiant qu’il peut dépasser en lui accordant le signifié qui lui convient. Un mythe qu’il soit fondé historiquement ou non, qu’il soit rattaché à une ligne religieuse ou non, ne sert qu’à nous faire découvrir un enseignement, et c’est ce dernier qui est important, non le mythe en lui-même en sa forme.

Un F\ du RER, pasteur protestant, me confiait dernièrement : si le concept « aimez-vous les uns les autres », pilier de la fraternité humaine universelle, te séduit en ton idéal et ta conscience, que t’importe son auteur, qu’il ait ou non réellement existé ou qu’il fut ou non fils de Dieu ? Dépasse ce contexte sujet à conflit et ne retiens que l’enseignement. Multiples conflits maçonniques opposent des FF\sur des signifiants alors qu’ils partagent le même signifié. Qu’importe que le maçon français vive la mort d’Hiram et celui de Memphis celle d’Imhotep, l’important c’est l’enseignement retenu par chacun et qui est identique et unique. 

Conclusion 

U

n jour, vous avez, tel le pèlerin de Compostelle, commencé une belle histoire, votre histoire, celle de la recherche de la Lumière en frappant à la porte du Temple. Nul doute que votre initiation puis votre maîtrise vous apportèrent de grands moments de joie et d’émotion.

Il serait dommage de ne pas connaître la fin de cette histoire en vous arrêtant après le troisième chapitre ou d’abandonner celle-ci pour une autre, vous privant ainsi de nouvelles joie et émotion.

De même, les pèlerins qu’ils marchent sur Compostelle ou sur Jérusalem, ont finalement le même objectif. Ils ont tous deux choisi un chemin et il serait stupide, pour l’un comme pour l’autre, d’en changer pour un autre.

Aussi, permettez-moi de plaider auprès de vous [15] pour que vous vous intéressiez et surtout pratiquiez nos Ordres de Sagesse tels qu’ils sont préconisés au sein de l’UMURm et de notre juridiction. Ils sont le reflet d’une Tradition, complète et authentique, qui nous fut transmise depuis le XIXème siècle.

Même si notre rite français peut paraître simple en regard d’autres rites, je peux vous garantir qu’il demeure extrêmement riche et que le vécu de ses Ordres de Sagesse vous ouvrira de multiples portes pour votre parcours initiatique. En les pratiquant, nos seulement vous enrichirez votre vie en loge symbolique mais aussi celle de vos FF\ et SS\

La Tradition se véhicule par le rite  et se pratique par le rituel. 


Alain DRUART

Vème Ordre – grade 9

Grand Conservateur du Grand Chapître Général Mixte de Belgique

[1] Nobuyoshi TAMURA, Aîkido (2003)

[2] Un dogme  est une affirmation considérée comme fondamentale, incontestable et intangible par une autorité politique, philosophique ou religieuse. Une doctrine est un ensemble global de conceptions d'ordre théorique enseignées comme vraies par un auteur ou un groupe d'auteurs. Elle a une dimension idéologique. La différence se situe peut-être surtout en l’opposition des mots affirmation incontestable et conception idéologique, imposition et proposition.

[3] Raymond de Becker, Les Machinations de la nuit (1965)

[4] Henry de Montherlant, Pasiphaé (préface) (1949),

[5] Il ne s’agit point pour moi de tolérance : je reste opposé à tout dogmatisme qu’il soit religieux ou laïc et remplacer un dogme par un autre n’est certes point tolérance.

[6] TCF Antoine DREHER : « La tolérance, c’est une vertu, tu verras, que le franc-maçon exige de ses frères mais oublie très vite quand il s’agit de lui. ».

[7] Daniel LIGOU, Réflexions sur le Rite Français.

[8] Voire fortement simplifiées

[9] Seul le GCGMB propose le travail des Ordres de Sagesse en mixité

[10] Régulateur des Chevaliers Maçons ou les quatre ordres supérieurs

[11] Daniel LIGOU, Réflexions sur le Rite Français.

[12] Paul NAUDON, Histoire générale de la franc-maçonnerie

[13] Yves HIVERT-MESSECA, La franc-maçonnerie face à ses mythes (2017)

[14] Voir à ce sujet, Pierre MOLLIER, La chevalerie maçonnique

[15] … par déformation professionnelle