On est
parti dans nos vallées d’une question concrète « Que faire avec la
devise VAM, le décor poignard, le choix « vengeance ou justice » dans
l’interprétation du rituel du Ier (Élu secret) des Hauts Grades du RF
Moderne ? »
Une étude
de départ sur l’histoire des décors et devises du Ier Gr :. Du RFM, par le F:. Jean van Win [i], a occasionné
un riche échange de vues, expériences et considérations, dans nos travaux à
Genève et au Conseil commun avec nos FF et SS de Mons, à Bruxelles au mois de
juin. Au fil des échanges, la recherche c’est enrichie d’un apport substantiel
d’expériences personnelles des participants et des analyses de notre TS :. (et
S:.G:.C:.) Fabrizio. Une péripétie passionnante, parsemée de questions plutôt
que de réponses :
Ces échanges nous ont porté vers des
réflexions plus profondes pour l’étude des rituels et l’interprétation de
nos symboles, en incluant leur pérennité historique.
Bien
entendu, notre travail ne se donne pas autorité de délibérer ou décréter ce
qu'on doit penser ou croire, nous nous devons plutôt de mieux comprendre ce
nous exprimons dans nos rituels.
L'homme libre
sait ce qu'il fait et fait ce qu'il sait.
*
L’étude du document cité, signe par le F:. Jean van Win, concernant
la bien connue devise du Premier Ordre de Sagesse et le rappel historique du rituel résumé par le TSPM ont occasionné un plein d’échanges et
d’interrogations, dans les deux assemblées. Nous
retenons une brève synthèse des pensées et des questions susceptibles
d’intéresser et de continuer la réflexion des Chapitres suisse et belge du Suprême Conseil du Rite Moderne pour la Suisse :
Il s’agit du mythe fondateur : après le meurtre de Maître Hiram par
trois mauvais compagnons, le légendaire Roi Salomon envoie des Maîtres Maçons
pour attraper les coupables et punir le crime à la manière de l’époque biblique.
Les participants aux Conseils des Élus ont suivi les évolutions du rituel du
Ier Ordre du RFM en fonction des temps historiques, mais aussi les nombreuses
adaptations de la vengeance qu’ils ont observé dans les LL et les Obédiences où
ils ont poursuivi leur « carrière » maçonnique. On en a cherché les raisons ;
il est saillant de voir comment les textes d’origine ont été altérés en
fonction de l’air des temps et des préférences locales des Grandes Loges, Grands
Orients et Loges particulières[ii].
En notre époque les questionnements sont nombreux : Un rituel de
justice, mais poignard en main pour toujours ? Il y a peut-être un temps pour
toute chose, mais heureusement notre époque n’est pas ce temps-là. On observe
que la vengeance cruelle (qui devrait peut-être susciter notre horreur de la
violence ?) a été ajustée successivement en justice divine par « le maître
des batailles », ensuite en suicide des mauvais compagnons épargnant le sang
sur les mains des justiciers. Le sens a été finalement sublimé en lutte
personnelle des maçons contre leurs propres mauvaises pulsions de violence. Nous
avons longuement discuté les sens du mot Justice. La justice primitive
« œil pour œil » des temps bibliques (elle-même un progrès de
proportionnalité pour son temps historique) a été convertie en adoption de la
justice autorisée des lois et des punitions institutionnalisées, règlementées et
impersonnelles ; punir oui, sans pardon, mais en suivant les règles et procès
des lois ? N’y a-t-il pas pourtant un temps pour toute chose sous le
soleil ? D’autre part, est-ce assez maçonnique pour nous
aujourd’hui ? Où sont la charité et la prise de responsabilité
personnelle ? Ou sont en tout cela la fraternité, le pardon et la
possibilité des nouveaux départs ? Plein de questions ! Faut-il pourtant
y répondre en modifiant en conséquence les textes d’origine, ou plutôt par une
interprétation qui les replace dans leur temps ? Faut-il plutôt lire les
horreurs de nos légendes comme on devrait lire les livres sacrés des religions,
non pas pour justifier les violences mais au contraire, pour apprendre des
exemples du mal, afin de choisir le bien et devenir meilleurs ?
En marge des questionnements sur l’exégèse des textes, un état de fait s’impose,
préoccupant.
Il est bien documenté qu’il y a eu de nombreuses altérations des rituels,
des décors, des interprétations, pour des raisons plutôt profanes. L’historique
est fascinant à suivre dans les livres publiés récemment. En fait, peu de
choses ont été rajoutées dans les rituels et décors, plutôt nombre d’éléments ont
successivement disparu. Chose incongrue, même les récits mythiques inclus dans
les rituels ont été faussés ici et là, pour éviter telle référence biblique qui
fâche ! Bien étayée, cette constatation ne conduit-elle pas vers une
conclusion pratique ? Ou alors, sommes-nous restreints à nous lamenter
devant cette porte déjà ouverte ? Après tout, même la Bible a été réécrite
de plusieurs manières, pour ne pas parler des codes et lois de la Justice, qui
ont changé avec les siècles et les cultures…
Des FF et SS se sont posé la question de quand ces altérations ont été
faites, où, pourquoi et par qui. Dans ce contexte, quelle est l’implication du
choix qu’au Rite Moderne (en fait celui initial) nous tenons à pratiquer nos
rituels tels qu’ils ont été écrits à l’origine ? Se laisser taxer de
réactionnaires parce qu’on pratique les rituels comme ils étaient, tout en
respectant la liberté absolue d’interprétation personnelle ? Le
Gr :.Or :., se demandait plutôt comment fonder le respect légitime pour
les traditions, en même temps que les choix qui en diffèrent, afin de
préserver, sans s’aplatir, la tolérance réciproque, l’harmonie et surtout la
Fraternité.
Le S:.G:.C:. Fabrizio souligne la question clé –
comment interpréter à présent ces mots et décors, mais aussi les changements
commis concernant, par exemple des symboles, comme la très heureuse expression
GADLU, la Bible ouverte à l’ Évangile de St Jean ? Comment faire face à ce
qu’on peut appeler « l’allergie » de certains FF et SS, et surtout Ob :.,
à ces symboles conçus justement pour faciliter une cohabitation de la diversité
spirituelle maçonnique?.
Faut-il adapter les mots aux temps et aux évolutions des sociétés, recycler
nos décors, épurer les rituels et légendes de nos Grades de Sagesse ? ou
plutôt conserver avec fidélité la tradition, au lieu de cautionner, au nom du « progrès »,
les opportunismes historiques du « politiquement correct » que nos
érudits décrient régulièrement ?
On le voit bien, « le diable est dans les détails », dans le ressenti
dogmatique des décors, mots et gestes. En ignorant que tout ceci est symbole :
l’ABC maçonnique.
*
En fait, on respecte un rituel parce qu'il dit vrai ou parce qu’il dit la
tradition ? Les rituels sont-ils lettre d'Évangile... ou écrits de main
faillible de Maçon ? Les interpréter dans leur lettre ou, avec bon sens, dans
leur esprit ?
En essence ; en Maçons, sommes-nous capables de vivre dans notre
temps, changer avec notre temps, penser et agir en notre temps, tout en
sauvegardant la lettre et les symboles de nos traditions premières ? Que faire de plus pour réunir ce qui est épars ?
*
Le défi à terme de notre Puissance Maçonnique est de démontrer le
bien-fondé de la pratique des rituels du RMF en leur forme d’origine, tout en accueillant
une diversité d’interprétations, le changement des époques, pays, régimes
politiques et surtout la liberté absolue de conscience et de croyance ou non
croyance religieuse des FF et SS. Une voie de raison serait de promouvoir et pratiquer
une attitude lucide et civilisée de sublimation des concepts en cause, de déchiffrer
le récit mythique incarné dans ces rituels. Cette érudition semble être une
condition nécessaire de coexistence, qui permet de ne pas refaire éternellement
des guerres de religions, d’hérésies et d’idéologies. Comme il semble, il faut
s’élever au-dessus des interprétations littérales de ces mots et symboles mais
aussi de la laïcité simplifiée, réductrice, intolérante, conçue comme
antireligion.
Malheureusement, comme dit notre TS, cette manière de penser et de juger
est née avec les monothéismes, devenus religions d’État et méthode exclusive. La certitude unique a détruit l’antique
permissivité envers une multitude « de fait » des dieux et de
croyances. Les empires d’avant toléraient l’imperfection des formes et des
interprétations multiples. Par la suite et à présent, au lieu de considérer la
diversité inévitable, où on œuvre pour réunir dans la bonne volonté des vues
qui sont et qui ont le droit de rester éparses, on part typiquement d’un
jugement préalable de Vérité et de valeurs, on impose les formes qui en
résultent, on pense que certaines fondations, « les nôtres », sont
les seules véridiques et les autres irrémédiablement fausses, à exclure. Que
reste-t-il de notre noble rêve de Franc-maçonnerie universelle ?
Ce que nous chercherons dans notre réflexion présente est la forme fédératrice
qui peut convenir à tous, avec des termes ouverts, qui permettent à chacun de
comprendre, d’avoir et d’affirmer son interprétation personnelle tout en
respectant un rituel symbolique partagé. Pour pouvoir assister, prendre part, dire
let mots et vivre un égrégore sans se faire violence. Le terme Grand Architecte
de L’Univers est un bon exemple de tentative optimiste pour permettre cette
tolérance mutuelle.
Bien entendu, ceci requiert une pensée conceptuelle plus haute, qui
reconnait et comprend les récits mythiques et bibliques dont les symboles sont
incarnés dans nos rituels – ou tout est symbole – au lieu de croire qu’il
s’agit de professions de foi figée. Autrement c’est comme si on contestait le
nom des jours de la semaine ou des mois de l’année qui étaient jadis des noms
de dieux de l’Olympe, les mots-on n’y croit pas.
Comment contribuer à cette œuvre ?
Selon le Gr :. Or :., un des nombreux choix possibles, est d’être
conservateur concernant la lettre des textes et des récits légendaires, tout en
étant flexibles et tolérants avec les changements incessants de définitions et
des « certitudes », induits par les contextes et les époques qui
passent. De même avec les préférences d’interprétation, faites en toute liberté
de conscience (tant que ces choix ne sont pas imposés à autrui).
Pour préserver la paix, suivons la tradition avec bon sens, respectons et
rappelons – en bons Maçons civilisés - les symboles bibliques les mythes et
récits fondateurs, parfois anachroniques, sans mettre en cause nos convictions
profondes en ce siècle XXI. Ces récits des ancêtres sont des formes qui restent
la colonne vertébrale de nos rituels,
leur origine. Dans les cas où notre esprit moderne se rebiffe, faisons un peu
comme ces Vice-rois du Nouveau Monde Espagnol qui disaient des décrets venus de
loin du Roi d’Espagne, sans rapport avec leur réalité locale : « se
obedece pero no se cumple » (on obéit mais on n’applique pas). Est-ce être
trop opportuniste ?
Nous avons le droit de croire ou de ne pas croire, mais en nos vallées
s’agit-il de croire ou de respecter ?
Notre TS propose d’effacer le mot croire de notre vocabulaire. Obligé
à croire ou à dire qu’on croit ou non, rectifier et éplucher les mots, mène à
une inquisition du politiquement correct, qui est une érosion de la liberté à
laquelle nous sommes si attachés.
Jérusalem: le mur à l’occident, de pierres éparses
Poser cette question « CROIRE OU RESPECTER ?» protège notre
liberté au milieu de la diversité parfois irréductible. Notre but partagé
devrait être de comprendre le rituel dont nous sommes les acteurs, le sens de
ce que nous y exprimons. L’émancipation est de « connaitre la cause des
choses », comme dirait Virgile, comprendre d’où nous venons et où nous
allons.
Car l’homme libre sait ce qu’il fait et fait ce qu’il sait.
Ioan Tenner, Ve Ordre Grade 9, Grand Orateur du Suprême Conseil du Rite Moderne pour la Suisse
[i]Jean van Win, Les initiales V.A.M. sur le cordon d’Élu au Premier Ordre du Rite Moderne
Français, 2012
[ii] Meisner, Marc, Rite
Français: Version Originale Ephaestos, Londres 2022 ISBN-13 : 979-8361403141,
comparé à Grand Chapitre Général Du Grand Orient De France, Rituel de
référence 1er Ordre éd. 2007
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