En Franc-Maçonnerie toutes les idées ne se valent pas

 Une étude de cas et un débat sur les limites de la tolérance par le Conseil au 4ème Ordre du Souverain Chapitre Français « La Rose-Croix du Léman » (Supême Conseil du Rite Moderne pour la Suisse).

“Der Unterricht faellt aus”, Almuth Märker/ jfmueller 2021 kek-spk.de

L’étude et la conservation des rituels maçonniques est un des objets des Ordres de Sagesse ou de perfectionnement de la FM.

En cette occasion, l’Orateur a présenté une planche intitulée « En Franc-Maçonnerie toutes les idées ne se valent pas » qui met en discussion les propositions de corriger le texte d’un rituel qui semble contenir une erreur. Ceci en guise d’étude de cas réel mis en discussion par le Souverain Chapitre Français « La Rose-Croix du Léman ». C’est un exemple d’approfondissement des rituels maçonniques dans un environnement adéquat. Le débat - résumé en deuxième partie de ce texte - qui a suivi la planche a fait ressortir des réflexions plus profondes et bien au-delà de l’étude du cas présenté.*

En 2014, durant une initiation, j’ai été choqué de découvrir des « versets sataniques » dans un passage du Rituel d’initiation au Rite Français d’une RL de la FM libérale, là où le VM explique au futur initié ce qu’il doit attendre de la Franc-maçonnerie. La promesse – c.à.d. le contrat moral proposé à l’impétrant – devenait : « Toutes les idées philosophiques, politiques, sociales ou autres sont égales à nos yeux..[1]» Une telle formulation m’a semblé irréfléchie et potentiellement contraire à nos idéaux.

À l’époque j’ai requis et obtenu l’élimination du passage en cause malgré la réticence de corriger un rituel qu’on a entendu et dit tant de fois, au point de ne plus se rendre compte du sens des mots et nonobstant le doute  : « Qui sommes-nous après tout pour toucher au rituel ? ». Je n’ai pas demandé un vote dans la Chambre du Milieu, car les principes fondateurs de la FM ne me semblent pas un sujet de vote occasionnel. J’ai seulement sollicité l’Orateur à assurer la conformité à l’esprit de l’Ordre et ma demande raisonnée a été appliquée. Malheureusement, récemment, en 2023, un nouveau VM de la même RL, sans mémoire des décennies passées, a repris une vieille copie du rituel avec la même erreur… et tout recommence… Avons-nous besoin de rituels de référence et d’une règle plus formelle pour leur correction ?

Repin Ilya, Quelle liberté?

Si nous sommes « Hommes Bons et Honnêtes ou Hommes d'Honneur et de Probité », (1723) enfin, Maçons « Modernes » de Rite Français, nous défendons la liberté de croyance, de conviction, voire d’expression. Est-ce que cela signifie que toutes les opinions se valent pour nous et que notre tolérance doit ou peut s’en accommoder, jusqu’à y inclure l’intolérance ou l’anti-humanisme ?
En notre désir de tolérance, est-il possible de réunir les bonnes volontés de ce monde en ouvrant la porte à l’affirmation illimitée, libre et sans responsabilité, de tout ce que l’etre humain est capable de croire, concevoir et dire? Ou y-a-t-il plutôt pour le Maçon des limites inadmissibles à franchir, des valeurs que nous ne partageons pas et des choix que nous rejetons ? Le sujet semble d’actualité car, par-delà les anciennes guerres de religion, barbaries, fanatismes, racismes et exclusions, contre lesquelles la Franc-maçonnerie œuvre traditionnellement, de nouvelles menaces totalitaires et anti-humanistes se présentent à l’horizon… Comme disait un des FF : «  il reste quelque 28 démocraties sur la planète, il faut défendre la nôtre. »

La démocratie et la tyrannie ne se valent pas pour la Franc-maçonnerie. Ni nos idées et valeurs fondatrices avec leur contraire. Ce que nous croyons de la fraternité, de la civilisation et du progrès, est stable en notre époque et ne s’accorde pas avec la barbarie et le règne de la Bête. Ni la dignité humaine avec la déshumanisation. Tout en respectant le droit de croire et penser librement et autrement, il me semble vital que nous rejetions l'indolence relativiste qui capitule, au nom de la pluralité et de l’harmonie, au point de trahir sa responsabilité morale et citoyenne. Maçons en chair et en os, nous vivons dans des pays et des cultures où les valeurs sont compréhensibles et nos choix responsables. Vivant ici et dans notre époque, nous mettons en exergue les hautes valeurs morales maçonniques qui réunissent et nous rejetons les exclusives qui divisent. En apprenant à nous connaître, à nous élever spirituellement et à respecter la diversité dans notre Ordre, nous construisons - par notre nature - la démocratie.

Comment glisse-t-on vers cette erreur de tolérance?

Une question inévitable est pour commencer, la définition pratique de la tolérance. Cette question a été mise en évidence par les prises de parole sur les colonnes. Avons-nous utilisé ce mot trop souvent, jusqu’à galvauder son sens, qui est – dans les mots les plus simples – apprendre à vivre avec l’autre ?

Les Francs-Maçons, surtout ceux qui se déclarent libéraux, voire «a-dogmatiques», sont fermement attachés à la liberté individuelle de croire et de penser. Le Rite Français, tel je l’ai connu, tout particulièrement. Il est le plus Andersonien (1723) des rites, le plus ouvert, passionné à réunir ce qui est épars, c’est à dire différent. Ceci requiert, au lieu de nous juger réciproquement, une tolérance sans ambiguïté, respectueuse plutôt que condescendante ou accordée du bout des lèvres. Nous ne manquons de rappeler aux grades symboliques nos principes capitaux : « la TOLÉRANCE MUTUELLE, le RESPECT des AUTRES et de SOI-MÊME, la LIBERTÉ ABSOLUE de CONSCIENCE » Tôt ou tard, les « bleus » acclament « Liberté ! Égalité ! Fraternité !», au risque d’être pris pour la République Française. La Laïcité aussi, proprement entendue, est coexistence inclusive et mutuellement respectueuse, qui sépare son fonctionnement démocratique et fraternel de la diversité des croyances et convictions parfois irréductibles, toutes libres, qu’elle accueille, cœur de notre vie en Loge.

Cette notion de liberté sans faille, si souvent affirmée en Loge, c’est élevée au-dessus de tout soupçon, elle est devenue indiscutable et absolue, politiquement correcte, elle va de soi ; par la suite, nous avons tendance à considérer tout naturellement que rien n’est interdit, en conscience, en opinion, en conviction, en croyance ou non croyance, qu’il est interdit d’interdire et que notre devoir idéal est la tolérance absolue.

Nous sommes attachés à croire et pratiquer – tout aussi naturellement – que le pas suivant, la liberté d’expression doit être aussi sans limites dans ce lieu précieux de liberté qui reste encore la Loge Maçonnique; nous nous levons indignés, comme Voltaire, quand on met le poing dans la bouche des gens et on assassine pour censurer, sous quelque prétexte que ce soit.

Engagés sur cette voie, en arrivant enfin à la liberté de faire, d’agir, nous l’imaginons tout aussi vaste, prométhéenne, synonyme du Progrès, malgré l’intuition qu’il doit y avoir, en guise de frontières, des politesses, du cœur, des règles et des lois, des choses à respecter, à ne pas faire, en Loge et dans le monde profane.

Parce qu’une de nos valeurs fondamentales est l’égalité, notre tendance indiscutable est de considérer tous les Frères et Sœurs, et par extension tous, égaux en dignité et en droits; pas seulement tous les gens mais, j’ose dire que nous nous laissons aller, sans trop y réfléchir, à concéder, impartiaux et tolérants, que toutes les idées sont égales pour nous. Que les dissensions ne viennent pas de nous, mais des métaux du monde profane.

 
Tiens ! Toutes les idées se valent-elles pour nous ? Pour garantir la liberté et en même temps sauver l’harmonie, peut-on débattre de tous les sujets et dire en Loge tout ce qu’on veut? Pourquoi alors disons-nous à l’occasion qu’il n’est pas admis de discuter ni de délibérer de religion et de politique sur les colonnes ? De plus, n’est-il pas le cas que nous avons des conditions et préférences exigeantes pour accepter les nouveaux apprentis ? N’est-il pas vrai qu’en écoutant certaines enquêtes et certains propos notre boule sera noire ? Ne travaillons-nous pas précisément pour nos idéaux humanistes et contre leur opposé ? Ne rejetons nous pas les dogmes exclusifs ?


En fait, tant l'idéal absolu, qui cesse d’etre humain que le relativisme sans échine sont des pentes glissantes.

*
Par bon sens, par expérience et surtout par la raison qui nous est si chère, nous savons, il me semble, que toutes les idées ne se valent pas; ni dans la réalité du monde, ni pour nous en tant que Francs-Maçons, ni surtout dans l’esprit et la lettre de notre Rite. De nombreux exemples confirment cette simple vérité.

Au tribunal toujours plus exigeant de la science et de la raison, les idées ne sont pas égales en leur vérité de fait, objective :

L'idée que la Terre est plate et immobile au centre des cieux n'est pas égale en vérité avec l'idée que notre planète est sphérique et qu’elle tourne parmi d'autres du système solaire.


Sans multiplier les exemples évidents, disons qu’une idée fausse n’a pas la même valeur, n’est pas la même chose, qu’une idée vraie, prouvée… et « notre objet est le recherche de la vérité ».

Au tribunal de la morale et des droits de l'Homme, les idées ne sont surtout pas égales en valeur morale, et ceci nous regarde directement:

Notre idée fondatrice, que la F:.M:. est le centre de l'union - des hautes valeurs morales et pas des plus basses - les bonnes volontés et pas les mauvaises, est une idée qui ne vaut pas l'idée opposée d’exclusion, celle par exemple que l'étranger, une autre race, une autre religion, une autre conviction sur ce qui est le vrai et le réel, sont inférieures, dignes de mépris, de domination et d’assassinat.

Nous n'avons pas vocation d'imposer aux gens comment ils doivent penser et opiner mais, de même, nous ne permettons pas qu'on nous assène des points de vue qui contrarient notre raison d'être : construire des ponts, pas des murs.

Pour les nommer, les idées du totalitarisme, qu’il soit fasciste, théocratique ou communiste, l’esclavage modernisé, le fanatisme monomaniaque, les idées de suprématie des races et des doctrines politiques, le culte de la violence et de la guerre, le nettoyage ethnique ou idéologique, le génocide, l’eugénisme, sont pour nous des objets à étudier et à bien comprendre mais aussi des ennemis et des objets de rejet.


Par exemple, les Constitutions d’Anderson, la déclaration des Droits de l’Homme, celle rédigée par la main du F :. Lafayette le 11 juillet 1791, porteuse des hautes valeurs morales de l’époque moderne, à laquelle nous sommes attachés sans réserve, n’est pas équivalente aux idées de Mein Kampf ni à celles du petit livre rouge de Mao. Si les livres des grandes religions sont tous respectables pour nous, les torchons des sectes manipulatrices et vendeuses de confusion ne nous semblent pas équivalents. On ne colle pas notre équerre et notre compas sur n’importe quoi.


« Liberté, égalité, fraternité » n'est pas la même chose que la survie et la loi du plus fort, la vérité unique obligatoire, le gouvernement totalitaire, par la contrainte et les théories paranoïaques de la conspiration universelle. J’ose dire que le gouvernement universel du gain et de l’argent nous semble également suspect. Pire encore promet d’etre le règne de la Machine et de l’Intelligence Artificielle !


Esprit ouvert, écoute, liberté de pensée, de conscience et d'expression, d’examen, de critique, oui ; licence de détruire cette même liberté et ce qui la garantit, non ! Quelle effronterie d’attaquer la liberté au nom de la liberté et la démocratie en abusant de la démocratie! Nous rejetons résolument les exclusives militantes qui transforment le temple en place publique.. La tolérance n’a aucune obligation de tolérer l’intolérance; l’humanisme, notre foi, ou, si vous préférez, notre conviction profonde, a le devoir de rejeter et de combattre l’anti-humanisme, la haine de l’homme, la barbarie anti-culturelle.


Nous respectons entièrement la liberté de pensée et de conscience, voire de l’imagination et de l’esprit critique. Chacun y a droit dans sa sphère privée. Toutes les idées, même les plus terribles, les songes les plus horribles, ont droit de se présenter à nos esprits. Rien ne doit nous empêcher de considérer une idée, soit-elle la plus contrariante. En Loge je crois qu’il ne devrait pas exister de sujet, d’idée, qu’on ne puisse pas examiner avec sérénité et sans complaisance. Pourtant, notre discussion est au service d’une morale partagée, ici et maintenant, en notre propre civilisation; pour discerner, pour différencier le bien du mal, afin de vaincre le mal; pour différencier le vrai du faux, pour rejeter le faux et promouvoir le vrai. La morale est bien cela, juger la valeur des idées et des faits. Sans discernement de valeur entre les idées il n'y a pas de morale.


Ceci ne nous épargne pourtant pas la responsabilité morale et l'examen critique pour les idées que nous adoptons et faisons nôtres pour les professer et propager. Surtout, nous devons rendre compte des actes qui découlent de nos idées. L’adhésion aux idées est un choix responsable: à minuit, en partant, on est ce qu'on embrasse et ce qu'on en fait.


La séparation des sphères privées et publiques, la laïcité – constitutionnelle à Genève et implicite ailleurs en Suisse - assure et même encourage la liberté de croyance tant qu’elle ne cherche pas s’imposer à autrui. Ceci est une idée qui permet la tolérance de l’altérité, mais qui oblige en échange au respect mutuel. Le fanatisme dévot, le prosélytisme fumeux ou intolérant et l’agression de l’athée stupide contre la croyance d’autrui (ou l'inverse) sont des idées contraires à ce choix et, parfois, aux lois ; elles n’ont pas droit de cité parmi nous.

Notre liberté d'expression est certes plus grande que dans le monde profane, limitée pourtant par la politesse et le respect dû à la dignité et les convictions de nos frères. Tolérance est parfois souffrir ce que nous ne croyons pas et ce que nous n’aimons pas, sans abdiquer à nos propres certitudes. Notre maîtrise de savoir le faire avec respect authentique est à mon avis un exemple potentiel de civilisation pour la société autour de nous.


Ceux qui nous rejoignent le font parce qu'ils adhérent librement à notre choix de valeurs, celles que nous ne voulons pas relativiser; ceux qui choisissent des idées incompatibles avec nos idéaux ne peuvent pas devenir des nôtres, avec tout notre respect pour la différence, la pluralité, la démocratie et la liberté de conscience ; la Bête n’a pas de place sur nos colonnes, ni licence de recruter parmi nous.


La F:.M:. est définie et unie par son choix durable d'idées, qui affirment ses valeurs, ses buts, ses méthodes et aussi par ses adversaires désignés, ce qu'elle rejette, ce qu’elle veut vaincre et éliminer de la société humaine ; certains de ces ennemis sont des idées de proie, néfastes pour nous – les idées ouvertement contraires à nos idéaux fondateurs, qui nient et transgressent nos limites de tolérance.


Cette censure est légitime et vitale; nos pires ennemis nous accusent faussement, avec effronterie et mauvaise foi, d'être nihilistes, relativistes en morale et athées stupides, incapables de discernement moral, cyniques, incapables d’affirmer une vérité et de la défendre; la pire des choses serait de confirmer ces calomnies en affirmant imprudemment que toutes les idées se valent pour nous, de tout laisser passer, avec une indolence politiquement-correcte, sous prétexte mal compris, boiteux, de liberté absolue de pensée et d’expression.

Pour prévenir l’évolution d’une F :.M :. flageolante, sans colonne vertébrale, je propose que toutes les idées philosophiques, politiques, sociales ou autres ne soient pas égales à nos yeux, même si nous sommes libres de les examiner toutes, ensemble.

Qu’en pensez-vous, mes SS, mes FF ?

Ioan Tenner

Débat du Conseil au 4ème Ordre du Souverain Chapitre Français « La Rose-Croix du Léman » (SCRMS).

L’anecdote du passage « satanique » et la critique de la tolérance sans limites a soulevé nombre de questions et commentaires des membres du Conseil au 4ème Ordre du Souverain Chapitre Français « La Rose-Croix du Léman » (SCRMS)

Built from questions www.baba-mail.co.il 2016

Nous avons choisi de réfléchir et de discuter le sujet au lieu d’en délibérer. En lieu d’une conclusion d’autorité, nous soumettons ici à la sagacité des lecteurs, les interrogations et les contributions qui enrichissent l’analyse.

Le premier seuil à franchir dans cette discussion, et pas le moindre, a été et reste, bien entendu, « Peut-on toucher au rituel quand on y découvre quelque erreur flagrante ? » Tout d’abord, qui est en mesure d’évaluer notre rituel et encore plus, qui sommes-nous pour juger de sujets et en marge, de profanes qui nous approchent, comme acceptables ou non pour la Loge ?

Il a été rappelé l’adage que les discussions en Loge ne seraient pas admises concernant la politique et la religion. Ceci nous a permis de préciser que, en fait, tout sujet peut etre présenté à notre réflexion collective pourvu qu’on n’en dispute pas et on ne procède pas au vote sur de tels sujet, ni surtout aux consignes de vote des Maçons pour des partis politiques.

Quand il s’agit de ne pas accepter des impétrants et leurs convictions, il est aussi difficile de juger les gens qui nous approchent et décider s’ils sont assez bons pour nous. Pourtant, les enquêtes concernant les profanes peuvent etre vues comme des jugements. Les enquêteurs sont faillibles, sans douter mais que faire d’autre que son mieux, en conscience et bonne foi ?

POUR ETRE VIABLE, LA TOLERANCE LA PLUS OUVERTE DOIT AVOIR UN CONTOUR ET DES BORNES

Accurata Utopiae Tabula, J B Homann. Lib of Congress.gov

Il apparait que plus en profondeur, le problème qui se pose ici est celui de la tolérance. C’est quoi etre tolérant ? Ce mot est parfois ambigu : tolérer serait ce déjà se donner le droit de juger et accorder sa tolérance? La richesse de la FM n’est pas dans sa diversité réelle ? Y a-t-il risque de rejeter ce qu’on ne comprend pas ?

On peut encore parler en Loge de tous les sujets. Mais il ne reste plus que 28 démocraties dans le Monde, « nous sommes le dernier endroit où je peux m’exprimer comme j’ai envie, dire absolument ce que je veux, sans avoir peur pour les lendemains » dit un Frère. Le tout est de savoir à quel niveau et si on va ou non véhiculer tout ceci à l’extérieur du Temple.

Il faut mieux comprendre le mot tolérance, il veut dire qu’il faut apprendre à vivre avec l’autre.

 

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Il ne faut pas toujours juger par rapport à notre propre vécu. Les gens ont des vécus et des points de vue très différents. Attention à ne pas rejeter l’autre par rapport à notre propre dogme individuel, voire collectif. Il est légitime pourtant de confronter et critiquer ce qui n’est pas bien, ce qui est n’importe quoi, ce qui est faux.

On voit combien il est compliqué de tirer des conclusions quand il faut tout d’abord nous poser des questions. Peut etre le problème n’est pas dans le mot « tolérance » mais dans l’erreur de le laisser seul, orphelin des autre valeurs que nous pratiquons. Il y a devant nous un travail de bon sens pour établir plus clairement ce que nous entendons et pratiquons en tant que tolérance en Loge, et aussi -en tant que maçons – en dehors de la Loge. Pour nous orienter, en entrent en FM nous avons fait des promesses de vivre d’une certaine manière et de juger suivant certaines valeurs. Nous avons un devoir de ne pas admettre certaines choses, même dans la rue. Ceci en toute humilité et conscience de nos limites.

Dans cette réflexion il y a aussi un problème de langue française; les mots sont parfois ambigus. Un écrivain catholique disait « La tolérance, il y a des maisons pour ça. » Il parlait de la tolérance dans un autre sens. C’est la même chose que pour le mot aimer : « j’aime ma soupe » n’est pas la même chose que « j’aime ma femme, ou ma maitresse ou mes amis ». En parlant de valeurs, il faut toujours se rappeler cette imprécision. Parlant de valeurs, y a des valeurs en bourse aussi, il est vrai, mais ce n’est pas des mêmes valeurs qu’on parle. Prenons nos trois valeurs, foi, espérance et charité. À ce niveau, nous sommes censés savoir ce que cela signifie pour nous. Nous sommes censés pratiquer ces trois valeurs. Par exemple, le mot charité dit en général donner son obole pour le soutien des pauvres. En latin ça veut dire estime et amour fraternel. Le sens n’est pas matériel. Nous oublions souvent que nous sommes dans un milieu symbolique ou il ne faut pas prendre les choses à la lettre au sens matériel.

Comme disait Raymond Devos, l’esprit est comme un parachute qui ne fonctionne bien que s’il est ouvert. Parlant d’interdictions, un Frère exclame : « quand j’entends la réaction si en loge bleue on évoque le fantôme du Maréchal Pétain il y a tout de suite interdiction, on oublie que même si dictateur, Franco fut en Espagne l’inventeur de la sécurité sociale ou que le Maréchal Pétain avec tous ses torts fut le créateur de la Fête des Mères. Il faut employer des pincettes en disant ceci, faire la part des choses. Est-ce que Pétain était un diable à cent pour cent ? » Il est très complique d’apporter des réponses si nuancées dans le monde profane. Il faut manier la tolérance avec des pincettes, voir avec qui on parle. Dans le domaine religieux il y a de l’hypocrisie notoire, car il y a des Loges ou « on ne parle pas de religion » mais on propose de supprimer les croix dans les villages et éliminer le mot « saint » - Gare Lazare au lieu de St Lazare…

Là où le  politiquement correct est de rigueur, il faut faire très attention aux mots. Mais jamais juger sans discernement, en oubliant que rien n’est entièrement blanc ou entièrement noir.

Y a-t-il des questions inacceptables ?

On voit bien pourquoi nous ne devons pas disputer entre les réponses des présents, mais plutôt sélectionner les bonnes questions. Le problème est quand on débat de réponses qui semblent les meilleures, à des questions qu’on ne connait pas, qu’on n’a pas étudiées. Les questions et les concepts sont des outils. Sélectionner, interdire des questions c’est censurer les outils avec lesquels on réfléchit. Quand on arrête celui qui pose des questions intéressantes ce n’est plus la démocratie, c’est la foule… Sélectionnons des concepts et discutons des questions. À chaque question il y a des centaines de réponses…

Un souvenir personnel : « Enseignant à la retraite, toute ma vie j’ai eu devant moi des gens qui voulaient des réponses. Mais en enseignant, je leur disais « je ne suis pas là pour donner les réponses, je suis là pour vous apprendre à poser les bonnes questions. Si vous avez les bonnes questions vous avez la réponse, ou du moins un début de réponse. Un jour, me suis rendu compte que cette méthode ne fonctionne pas avec le étudiants japonais. J’ai posé la question à une amie , assistante de Piaget, pour comprendre ce qui se passait. Pourquoi il est impossible de savoir ce que pensent les étudiants japonais ; soit ils pensent ce que le gouvernement leur dit de penser, soit ils me demandent ce que moi je pense. Mais je n’avais pas besoin qu’ils me disent ce que je pensais. J’étais désespéré, ça ne marche pas du tout avec les Japonais. L’assistante de Piaget m’a expliqué que c’est normal, leur société fonctionne comme ça. Il y a beaucoup de monde dans cette société-là. S’ils ne fonctionnent pas comme ça ils s’entretuent… Étant un blanc européen avec une formation gréco-romaine, je sais donc quelle est la différence entre le demos et laos (le peuple) je sais fonctionner en tenant compte de ça. Ils ont une autre religion, une autre formation… j’étais désespéré. Une Japonaise qui a passé toute sa vie à l’étranger, mais qui devait rentrer chez elle au Japon parce que gravement malade m’a avoué qu’elle ne pourrait plus vivre là-bas…. La manière dont nous interagissons avec les autres dépend de qui nous sommes et qui sont les autres…

Ainsi, même à la première question en discussion– « Est-ce que toutes les idées se valent pour nous ? » - reste une question à laquelle chacun de nous doit apporter sa propre réponse. … Quels sont les environnements et les niveaux où il faut faire une différence, discerner ce qui est adéquat et ce qui ne l’est pas ? L’occasion diffère évidemment entre le temple et la place publique. Dans le temple aussi, il y a différence entre le discours ésotérique et exotérique. Vu de très haute sagesse, tout est symbole et tout devient semblable intellectuellement, mais dans la vie profane – et même dans la loge bleue – on ne peut pas mêler les deux. Et dans les Ordres de Sagesse qu’y a-t-il de permis et d’interdit ? Ou alors la question ne se pose plus ?

Ce sont des questions radicales qu’on ne doit pas avoir peur de poser. C’est des réponses tranchantes qu’on doit se méfier.

Il y a un problème avec ce qui est permis et interdit Qu’est ce qui est permis, qu’est ce qui est interdit ?

Un arc en ciel de nuances

Nous sommes censés travailler au progrès de l’Humanité. Si on travaille au progrès de l’Humanité il est bien entendu que toutes les idées ne se valent pas. En partant de là, des choses deviennent assez claires, qui vont de soi, et d’autres qui sont dans une zone grise, enfin d’autres sont totalement négatives. Les fous de guerre qui nous entourent à présent sont un exemple… Concernant le progrès de l’humanité, on peut avoir une discussion sur le plan purement matériel, par exemple qu’est-ce qu’on fait avec l’énergie atomique, mais qu’est ce qui est permis, si les avancées vont procurer du bien etre ? L’interdit d’aujourd’hui est peut-être le permis de demain et l’inverse. Mais à partir de telles questions on peut déjà élaborer une méthodologie.

 

Est-ce qu’on peut toucher à un rituel quand de toute apparence et en tout bon sens, à notre époque, il est erroné et nuisible à nos aspirations ? En quel sens les rituels sont-ils sacrés ? En fin de compte ce n’est pas par la main de Dieu qu’ils ont été écrits et ce n’est pas Dieu qui les a dictés à ses  prophètes. Parfois, quelqu’un semble avoir mal copié ou tronqué un texte en produisant des « versets sataniques » irréfléchis. On les a répétés tant de fois qu’on ne les entend plus. Mais un jour, on se réveille et on se dit : « Mais qu’est-ce que suis en train de dire là ? Ou plutôt, qu’est-ce que le Vénérable est en train de dire ?» En essence, quel est le for maçonnique en droit de se saisir d’une telle situation ? Est-ce que discuter un tel sujet est le rôle des « Hauts Grades », pourtant si clairement séparés des Loges bleues ?

Nous pouvons réfléchir et donner notre avis. Pourtant les changements peuvent seulement se faire au niveau de Loges et des Obédiences, qui sont souveraines.

Toutes les personnes présentes dans ce Conseil sont au Ve Ordre, dont l’objectif ultime est l’étude des rituels, de tous les rituels. Non pas pour les changer mais pour voir comment ils sont faits et qu’est-ce qu’ils véhiculent. Ceci est l’attitude que nous devons garder. Regarder le rituel, voir s’il a été modifié, ou, sinon, comment pensaient, faisaient et disaient le gens à cette époque-là. En historien je respecte toutes les opinions, y compris les miennes, mais je respecte tous les textes à condition qu’ils ne soient pas trafiqués. C’est pour cette raison par exemple que nous pratiquons ici un rituel avec un texte de l’époque. Le texte dont nous discutons a été revu et revu . Les textes du GODF d’aujourd’hui font un rituel de Rose-Croix sans la croix....La croix dérangeait-elle certaines personnes ? Ils l’ont enlevée du texte et même de l’iconographie. Il n’y a plus de Saint Bernard. De la Rose-Croix ne reste que la rose… Mais ceci est une évolution du politiquement correct actuel. Nous pratiquons un rituel sans porter de jugement sur ce rituel, comme il est. Cela gêne parfois certains de retrouver la croix. Mais comme j’ai entendu dire quelqu’un, « Mon cher Frère, on parle beaucoup de tolérance, qui est plus tolérant entre toi et moi ? Tu veux que j’enlevé de mon rituel le Grand Architecte de l’Univers. Je me demande pourquoi il faut l’imaginer te telle ou telle façon. Chacun est libre d’imaginer ce symbole de telle ou telle autre façon. »  On ne prend pas les symboles au pied de la lettre. Je pense que le seul critère que nous devons avoir pour porter nos jugements sans se sentir obligés de dire « Qui suis-je pour porter un jugement ? » est le suivant : est-ce que cette personne est capable de raisonner par symboles ? ou prend-elle les choses au pied de la lettre ? C’était un critère d’admission dans la maçonnerie française. À l’époque de Pythagore la question qui était posée à celui qui demandait à etre admis apprenti au temple était très simple. On lui montrait un triangle pour savoir ce que cela lui rappelait. S’il disait que c’est un triangle on le rejetait… La personne qui ne savait voir la pyramide derrière le triangle ou la sphère derrière un cercle ne savait pas raisonner par symboles, mais prenait les choses au pied de la lettre. Donc, elle n’était pas prête à être admise. Au fonds nous devons poser les mêmes questions, sans porter de jugement. Chez nous il faut une ouverture d’esprit qui voit au-delà de la lettre des choses.

Pour apprécier le symboles d’un rituel il faut savoir ce qu’il véhicule. En reprenant l’idée de l’Orateur Il y a des choses dont on dit « c’est comme ça », qu’on ne change pas, mais pourquoi pas avoir des commissions pour revoir des choses après 50 ans ? On peut revoir avec le changement des époques si tel aspect est encore applicable dans notre temps. Au niveau des « hauts grades » on pourrait faire au moins ce travail – non pas celui de remettre en cause mais de revoir si tout est encore actuel dans nos textes.

Nous voici un peu gênés parce que nous mettons des idées sur la table. Mais ces idées sont justement des questions. Un symbole chinois peut dire une chose et son contraire, crise mais aussi opportunité. C’est l’expérience qui donne sens aux mots et les expériences sont différentes entre nous et d’une époque à l’autre. Ceci se comprend. Faut-il pourtant sélectionner les questions ? Finalement, discutons ensemble pour avancer des propositions. D’un ensemble de questions retenons la principal. Finalement en toute société il peut venir un moment où quelqu’un doit soulever des questions qui intéressent tous… Car au final un rituel est constant, en étant une synthèse des symboles d’histoire sur la longue durée.

D’autre part il est dangereux de devoir corriger les rituels. Il faut d’abord comprendre qu’un rituel est le fruit d’une certaine époque, qu’il utilise une certaine langue. Un mot comme crise vient du grec médical, pour décrire un moment précis de l’évolution de la maladie, le moment du pire, après quoi on va guérir. Aujourd’hui on parle de crise de tout, en oubliant que c’est par là qu’on en sort. Sans crise on ne s’en sort pas…

Cette étude n’est pas en fait à proprement dire une d’évaluation d’idées, mais une démarche de rectification de mots et de valeurs y attachés. On peut faire dire aux mots presque n’importe quoi, tout embrouiller, au point où la complexité invite à périr plutôt qu’à vivre. Mais pour vivre, il faut comprendre et réagir aux mots. Le but initial de cette étude a été pratique, de corriger les « versets sataniques » d’un rituel. Ceci a été fait en son temps. Est-ce que ceci était juste ? Peut-être, en partie. Il faut penser mille fois à ce genre de changement. Notre réflexion ultérieure, posée, n’est pas pour exprimer ou étayer une opinion mais pour exercer – en toute liberté et sans contrainte - notre sens critique.. Bien entendu, les « Hauts Grades » ne doivent surtout pas s’ériger en for de censure, ce n’est pas notre rôle. Par contre les fruits de nos réflexions – nos questions -devraient permettre à nos FF et SS de décider en connaissance ce qu’ils veulent faire. Car les idées sont puissantes, elles changent le monde. 

Notre accord unanime lors de cette discussion libre et sereine, a été que, finalement, les questions soulevées ont plus de valeur que les propositions du cas de départ et les réponses de chacun, car les questions ouvrent autant de portes parmi lesquelles le lecteur voudra choisir à sa manière, tandis que nos réponses peuvent fermer des portes et figer la réflexion. 

Une multitude de portes... cecglob.com 2016

Après l’écoute de la planche de départ et des contributions concernant le dangers et complexités – un vrai catalogue, on peut conclure que, effectivement, on a tous été d’accord que toutes les paroles et les actes ne sont pas acceptables. Sur la base d’un idéal comme « liberté, égalité, fraternité » on peut contribuer à ce que les choses se passent pour le mieux dans ce monde, mais si on acceptait tout, sans bornes, on ne sait plus ce qu’on chercherait en Maçonnerie. La liberté la plus grande, la tolérance la plus ouverte, ont besoin d’avoir une forme, un territoire une langue, avec des repères et des bornes reconnaissables, sous peine de se dissoudre dans l’infini, ou pire dans l’hypocrisie du politiquement correcte.


[1] Un texte d’origine (Rituel Français GODF), stipulait: « Toutes les idées philosophiques, politiques, sociales ou autres sont égales à nos yeux tant que, bien sûr, la dignité de l’homme y est respectée. Si des exclusives existent, elles ne viennent pas de nous, mais du monde profane»

Las Órdenes de Sabiduría del Rito Francés: El Corpus de Grados y la Especificidad de la Quinta Orden

En enero de 2018, Colette Léger, Miembro del Gran Capítulo General de Francia, y de su Capítulo Nacional de Investigación, así como ex Gran Canciller del Gran Capítulo General de la Gran Logia Mixta de Francia, nos presentaba las investigaciones y arduos trabajos de su autoría en un “fuera de serie” de la colección JOHABEN, Conform édition pieza maestra trascendental, no solo para el Rito Francés o Moderno, sino para toda la masonería Universal derivada del Siglo de las Luces y de donde bebieron los denominados futuros ritos con adjetivo calificativo cuando los mismos no tenían ni nombre ni estructura. El trabajo de Léger, preciso, procedimentalmente impecable, analítico, profundo y contrastado, muestra lo mejor de las técnicas de investigación historiográficas en vigor. Como ya expusimos en una anterior entrada https://racodelallum.blogspot.com/2018/01/los-81-grados-del-rito-frances.html dicho proyecto estuvo magistralmente coordinado a través del Grand Chapitre Général du Grand Orient de France, poniendo ante nuestros ojos unos materiales inéditos solamente al acceso de quienes puedan desplazarse a la Biblioteca Nacional de Francia (BnF), y donde también aplaudimos el excelente prefacio de Philippe Guglielmi, Muy Sabio y Perfecto Gran Venerable del Gran Capítulo General del Gran Oriente de Francia, Gran Maestro del GODF en el año en el que se reactivaron los Órdenes de Sabiduría en el seno de dicha obediencia. Esta obra cumbre, sería a su vez muy interesante que pudiera ser acompañada de una profunda y analítica lectura del libro “La Franc-Maçonnerie du siècle des Lumières : Le Régulateur du IIIe Millénaire, Rite Français”, también coordinada por el Grand Chapitre Général du Grand Orient de France en 2010, tanto por su contenido conceptual y ritual,así como por las intervenciones preclaras de plumas de primera categoría como Jacques-Georges Plumet, Pierre Mollier, Alain Bauer, Charles Porset, Ludovic Marcos o Roger Dachez.

Ya el 5 de septiembre de 2014, Colette Léger nos hacía un anticipo de lo que la conduciría al resultado final (colosal diría yo) a modo de “Master Class” mostrándonos el estado de algunas de sus investigaciones para esas fechas en “Critica Maçonnica”.

La introducción al blog en cuestión es bien sugerente:

Colette Léger, con una abnegación que solo se ve igualada por la calidad de su investigación, empieza a trabajar desde este instante con copias manuscritas de antiguos rituales "Modernos", Órdenes y grados simbólicos. Ha plantado su tienda de campaña en el fondo masónico de la Grande Bibliothèque de France para estudiar el Rito de los Modernos, que se convertiría en francés. Aquí nos proporciona algunos elementos de sus investigaciones… en Critica Maçonnica, por supuesto…

El Grand Chapitre Géneral de France

El 2 de febrero de 1784, siete capítulos de Rosecruz en París, vinculados a logias del Gran Oriente, se reagrupan para formar el Gran Capítulo General. Estos Capítulos fundadores tienen pos nombres: La Reunión de Amigos Íntimos, Amigos Íntimos, Los Hermanos Unidos de St. Henry, Amistad, Armonía, Salomón y La Trinidad. El Gran Capítulo General se presenta como una federación de Capítulos de altos grados en Francia: "Los siete capítulos soberanos mencionados se han congregado y se congregan solo en el deseo y el plan de formar entre ellos un Gran Capítulo General que reúna a perpetuidad, en Francia, bajo su régimen y bajo su gobierno, todos los Capítulos soberanos que existen ahora y que existirán en el futuro, para reformar la Acefalia que los caracteriza y purgar los abusos”. [1] Este texto ilustra el carácter anárquico del desarrollo de los grados escoceses y la pluralidad de sistemas implementados.

Los 81 miembros fundadores del Gran Capítulo General pertenecen, según el historiador Matthieu Baumier [3], "a una burguesía de profesiones liberales esencialmente, fisonomía familiar en el París masónico de finales del siglo XVIII donde las profesiones de justicia, finanzas y comercio dominan ampliamente ". Llevan las ideas de la Ilustración y practicantes de una forma de deísmo ilustrado, de religión natural, con reconocimiento de un Gran Arquitecto del Universo que no es un Dios revelado. Un cierto número de ellos son oficiales del Gran Oriente, lo que les niega toda voluntad de independencia en relación con esta Obediencia.

El 8 de abril de 1784, la elección de los quince oficiales que constituían el ejecutivo de la estructura llevó a Alexandre-Louis Roettiers de Montaleau a la función de Presidente, bajo la denominación de  Muy Sabio y Gran Mestro. Será reelegido para este puesto el 8 de mayo de 1787. El rol asignado al Gran Capítulo General es el asignado previamente a la Cámara de Grados. Los Estatutos y Reglamentos Generales [4], emitidos el 19 de marzo de 1784, estipulan explícitamente cinco órdenes o grupos de grados:


“El Gran Capítulo general contendrá todo su conocimiento en cinco órdenes.

La 1ª Orden incluirá todos los intermediarios de la maestría al Elegido. El Elegido será el complemento.

La 2ª orden incluirá el escocés, todos los escoceses posible y lo que le sea relativo

La 3ª orden incluirá al Caballero de Oriente, y lo que se le relaciona.

La 4ª orden incluirá el Rosacruz y lo que le sea relativo

La 5ª orden incluirá todos los grados y sistemas físicos y metafísicos, especialmente los adoptados por las asociaciones masónicas vigentes”.

Las primeras cuatro órdenes se constituyen en "consejos" [5] y están destinadas a llevar a cabo las ceremonias de paso de una orden a otra. Las actas de las reuniones de dichos consejos muestran que no hay presentación de obras simbólicas, excepto los discursos del orador del Consejo. La Vª Orden está compuesta por 27 miembros, que componen la "Oficina de Correspondencia y el Comité del Gran Capítulo General": todos los asuntos relacionados con ésta se envían así a este nivel superior para su preparación y discusión al efecto de dar cuenta de todo ello. Se distinguen dos clases:


"Mientras que el conocimiento proveniente de los diversos sistemas conduce a un trabajo continuo y la iluminación que solo se puede adquirir de forma sucesiva y a fuerza de celo y diligencia, la quinta orden se subdividirá. Su subdivisión será nueve, que será elegida por la asamblea de los miembros que componen dicha 5ª Orden. [...]. Esta subdivisión se referirá esencialmente a la clasificación de cada grado según el orden al que pertenece, así como a todos los conocimientos masónicos de la naturaleza que sean."

El 18 de abril de 1784, los miembros de la Vª Orden fueron elegidos: Roëttiers de Montaleau fue nombrado presidente. Será reelegido para esta cargo el 8 de mayo de 1787. La Vª Orden es una forma de academia de grados "escoceses", cuyo objeto consiste en clasificar los grados existentes y reducir en uno solo los grados de una misma familia. La codificación propuesta para las cuatro órdenes, sin embargo, no excluía la práctica de grados intermedios en ciertos Capítulos.

Las actas de las reuniones del 24 de abril de 1784 al 4 de diciembre de 1787 han sido redescubiertas recientemente por el Gran Oriente de Francia, entre los archivos masónicos restituidos por Rusia. Fueron publicados por Pierre Mollier, Director del servicio de Biblioteca, Archivos, Museo del Gran Oriente de Francia, en la revista Renaissance Traditionnelle [6]. Estas confirman el papel de la asamblea de la Vª Orden como lugar de gestión administrativa del Gran Capítulo General: preparación de decisiones sobre candidaturas, afiliaciones, pasajes de un orden a otro, agregación de Capítulos, finanzas y aprobación de los rituales establecidos para las órdenes. Parece, como escribe Pierre Mollier, que el trabajo de la Vª Orden no se realizaban de acuerdo con un ritual o grado particular (trabajo "abierto" y "cerrado de la manera habitual"). De la misma manera, ninguna ceremonia de iniciación acompañó la elección de esta orden. Se puede concluir de este modo que se trataba de un grado administrativo.

Entre 1784 y 1786, el Gran Capítulo General finalizará el establecimiento de un ritual para cada una de las primeras cuatro órdenes, basándose en el trabajo de la Cámara de Grados: Elegido Secreto, Gran Elegido Escocés, Caballero de Oriente y Soberano príncipe Rosacruz. Estos rituales se imprimirán en 1801 en una colección titulada "Régulateur des Chevaliers Maçons".

Las actas de la Quinta Orden sugieren que el propio Roëttiers de Montaleau escribió los rituales de la primera, segunda y cuarta órdenes. El Gran Capítulo General fue solo un paréntesis de la historia: el 17 de febrero de 1786, el Gran Oriente decidió que se le adjuntara a él. Se notará con diversión el anagrama dado, más que tardíamente al Gran Capítulo General por la Cámara de Grados el 4 de diciembre de 1787: "Granito del Echarpe [7]". ¿Fue para cerrar definitivamente el paréntesis?

Soberano Capítulo Metropolitano

La reunión (o más exactamente la re-unión) del Gran Capítulo General al Gran Oriente sólo se efectuó el 2 de febrero de 1788. Por tanto, se donó a la potencia masónica entonces dominante de un sistema de altos grados estructurados (cinco órdenes) y decenas de capítulos implantados en Francia y sus colonias. Tan pronto fue instalado el "Capítulo Metropolitano", se le otorgaron cartas capitulares con fines de regularidad.

Esta nueva estructura continúa la obra del Gran Capítulo General con el mismo modo de funcionamiento y los mismos nimadores, Roëttiers de Montaleau quedando como Presidente del Capítulo Metropolitano y  devla Quinta Orden hasta su muerte el 30 de enero de 1808. Sin embargo, el Capítulo Metropolitano, comúnmente llamado "Soberano Capítulo Metropolitano" no escapará a la agitación revolucionaria: sus trabajos fueron, en efecto interrumpidos en abril de 1792 y no se reanudaron hasta abril de 1797: "diversas propuestas se han hecho para el bien y la regularidad de los trabajos del Capítulo Metropolitano y restaurarles el lustre y la actividad tan esenciales para el bien de la Orden en general. Estas han sido reenviadas a una comisión”.

La lectura de las actas de las reuniones del Comité de los 27 (ejecutivo de la estructura) revela, sin embargo, profundas dificultades desde el año 1800:

- Problemas financieros debido a un gran retraso en las contribuciones de los miembros del Capítulo Metropolitano; reuniones de los consejos de las cuatro órdenes sin decoración masónica adecuada, llevando al Presidente, llamado Muy Sabio, a proponer "para el bien especial y la gloria del Capítulo Metropolitano, que las sesiones se lleven a cabo en las 4 órdenes con la mayor decencia y como resultado de lo cual sería muy necesario proporcionarle toda la ropa y los ornamentos indispensables para su esplendor ", que las finanzas de la estructura no permitían en ese momento; capítulos de fundación en situación de no herencia de propiedades: "El Muy Sabio ha hablado nuevamente de los capítulos fundadores; y después de haber expresado a la asamblea que la mayor parte de los capítulos, que habían estado durante mucho tiempo sin actividad debido a las circunstancias, destacó la importancia de invitar a los del Oriente de París a acercarse al centro común reuniéndose en el Capítulo Metropolitano para reemplazar a aquellos que por el efecto de las mismas circunstancias ya no forman parte de él. [11]”; práctica de rituales antiguos y no reconocidos desde 1786: "dado que el Gran Oriente había unido sus atribuciones a la Masonería de Altos Grados y había determinado a aquellos a quienes reconocería, varios capítulos de su correspondencia siguieron trabajando siguiendo el viejo rito manteniendo grados que ya no son parte de la masonería francesa, y dando a los Hermanos iniciados en su seno, palabras, signos y toques que ya no se usan en el Gran Oriente "[12]; dificultades para establecer Regulaciones Generales específicas para el Capítulo Metropolitano, que solo serán aprobadas en 1804.

Ese mismo año, el Rito Escocés Antiguo y Aceptado (REAA), nacido en Estados Unidos, se estableció en Francia: contrario al Rito practicado por el Capítulo Metropolitano (tres grados simbólicos y cuatro órdenes, cada una de ellas es un grupo sintético de grados), el REAA es analítico: está organizado en 33 grados (los tres grados simbólicos y treinta grados más allá del grado de maestro). Confiere altas grados más allá del grado de Rosacruz, grado terminal del “Rit” (que se llamará unos años más tarde rito francés para ser distinguido del REAA). Con pocas excepciones, el patrimonio masónico utilizado por los dos ritos es el mismo, recogido de los altos grados desarrollados en Francia desde 1740. Fiel a su deseo de controlar la masonería, el Gran Oriente crea dentro de ella el 21 Julio de 1805 un Gran Directorio de Ritos, "compuesto de tantos miembros como habrá de ritos". La respuesta no tardará en llegar: el Rito Escocés retomará su independencia, en términos de administración de los grados superiores al grado 18.

El Soberano Capítulo Metropolitano tuvo que reaccionar para mantener el posicionamiento del “Rit” Antiguo [13]. Para hacer esto, tuvo que designar como jefe supremo de “Rit” el Gran Maestro del Gran Oriente de Francia, Cambaceres, para reorganizarse y posicionarse en términos de altos grados más allá del de Rosacruz. El primer punto fue adquirido por el Comité Administrativo del 17 de abril de 1807, los otros dos por decisiones tomadas en la reunión general del 20 de diciembre de 1806 [14]


"El Muy Sabio [Roëttiers de Montaleau] ha hecho varias propuestas, todas tendiendo al bien general de este respetable Taller del Capítulo Metropolitano y revivir la actividad de su trabajo por los motivos más adecuados para devolverlo a su primer esplendor. El primer medio que ha `propuesto ha sido deshacerse de toda la acumulación de cuotas, convirtiendo este artículo en un don gratuito ofrecido libremente, y reducir este objeto a cuotas anuales posteriores de 6 francos, a pagar por adelantado. [....]. El Muy Sabio señaló que las circunstancias parecían requerir que el Gran Oriente supiera que el Capítulo profesaba conocimientos masónicos de hasta 81 grados distribuidos en series y contenidos en cinco órdenes y que celoso de ayudar a repeler el abuso para prodigarlos, le invitaba a organizar capítulos superiores que solo otorgaran grados superiores a aquellos bajo el título de Rosacruces, que en una medida limitada "

La nomenclatura de 81 grados del Capítulo Metropolitano se fija así: nueve series de nueve grados clasificadas por familia. El quinto orden ejerce finalmente (pero un poco tarde) el rol que se le ha transferido desde 1784. Esto se registra en sus propios estatutos aprobados en diciembre de 1807, bajo los cuales se estructura en dos clases. El primero consiste en un consejo de nueve miembros, "guardián de los cuadernos masónicos, reglamentos y archivos del Capítulo Metropolitano" y "que posee los más altos grados". Debe entenderse que este consejo tenía por vocación reunir a los poseedores de los grados cúlmenes de los diversos sistemas masónicos del Gran Oriente, y para conferir los grados mencionados. Los cuadernos de los 81 grados se colocan en un arca de dos llaves, establecida en el lugar del Consejo de los IX. No está claro si el plan posterior del Hermano Gastebois [15] para convertir a los IX en una clase de "Iniciados en los profundos misterios" podría haberse realizado. Un ritual de este grado [16] (62º de la nomenclatura) parece confirmarlo, ya que una de sus copias incluye la mención "último grado de la Quinta Orden del Soberano Capítulo Metropolitano". Es interesante notar que este grado fue el último del rito en 33 grados del conde de Clermont con fecha de 1768.

En este ritual, una de las palabras de reconocimiento es "Panapotheon" (que se puede traducir como elevado al más alto nivel). Una segunda clase, conocida como Prosélitos, está compuesta por 27 miembros designados por el Consejo de los IX. Se convoca solo para llevar a cabo recepciones de Prosélitos o para la comunicación de las luces contenidas en las primeras ocho series, la novena está reservada para la clase de los IX. Los rituales de esta última serie pertenecen a la tradición hermética, probablemente incompatibles con el racionalismo enciclopédico de los líderes del Capítulo Metropolitano.

Esta forma de confiscación del conocimiento nos cuestiona. ¿Se juzgó que los prosélitos no tenían el conocimiento suficiente para aprehender estos temas? ¿Era necesario esconder de los ojos del "vulgar" un patrimonio perturbador, salido de la tradición hermética? Una respuesta puede ser dada por la vocación de los miembros del Consejo de los IX para llevar los grados más elevados de los diversos Ritos. Obsérvese también el procedimiento de reclutamiento de prosélitos, que deben haber depositado en el consejo materiales dignos de ser depositados en el arca y respuestas a unas "proponenda" comunicadas de antemano [18]:


2 ° ¿Por qué la bóveda de nuestras logias está decorada con la imagen de la luna, el sol y las estrellas?

 3 ° ¿por qué tomamos el nombre de Francmasones?

 4 º ¿cuál es la alegoría escondida bajo la figura del Triple Triángulo, joya de los oficiales del Gran Oriente?

 5 ° ¿por qué los números 3, 5, 7, 9, 21, 27, 81 son particularmente adoptados en la Masonería? "

El enunciado de estos temas demuestra claramente que su nivel iniciático se limita a los grados simbólicos dentro de los capítulos de principios del siglo XIX. Efectivamente no se desarrolla todavía en los consejos de las cuatro órdenes trabajo simbólico, excepto recepciones. Los pasajes de orden también se llevan a cabo en plazos muy cercanos. La entrada a la clase de los Prosélitos se hace por la recepción en el grado de Caballero del Sol, último grado de la 8ª serie. Pierre Mollier [19] registró 80 cuadernos de este grado copiados en el siglo XVIII y divididos en tres familias. Debido a la multiplicidad de rituales, el autor ve en el Caballero del Sol "un grado con geometría variable: doble enseñanza, permitiendo varios usos del grado de acuerdo con la sensibilidad y el objetivo de quienes lo practican, este grado testifica por su doble contenido, la antigüedad de 2 corrientes marginales del 18 °: FM "filosófica", es decir, deísta y racionalista, y FM hermética, pero que se perpetuará en la FM francesa ".

Este grado refleja la última etapa de iniciación, ya sea por la finalización de la Gran Obra Filosófica en los rituales herméticos: "Para lograr esto, es necesario aplastar a la serpiente de la ignorancia mundana, y extirpar de su corazón hasta las menores raíces del prejuicio y del error para ser admitido en el número de hijos de la verdad ", ya sea por el deseo de “despojar al viejo hombre, sacudir los prejuicios, hijos de error, ver la luz verdadera, y buscar la verdad" en rituales filosóficos. Las notas de Gastebois padre [20] nos iluminan sobre el ritual utilizado para la recepción en la Vª Orden: "otorgar el grado de Caballero del Sol, de acuerdo con el cuaderno del Sublime Elegido de la Verdad". Su análisis permite clasificarlo sin ambigüedad entre los rituales filosóficos.


La Vª Orden estructurada por primera vez a fines de 1807, funciona sin Roëttiers de Montaleau, que murió el 31 de enero de 1808. Las actas de las reuniones del 18 de diciembre de 1807 al 1 de junio de 1813 [21] nos cuentan las obras dedicadas a su mayor parte en la recepción de Caballeros Rosacruces en la clase de Prosélitos. Todavía se mantienen algunos debates "sobre el modo que debe adoptarse para restaurar el “Rit Ancien” [22] el lustre que le pertenece, mediante la compilación de los rangos superiores que posee más allá de S.P.CH.R.C. Confirmando la preocupación de posicionamiento sobre el Rito Escocés.

En cuanto a las actas de las asambleas de IVª Orden del primer semestre de 1814, que muestran un estancamiento del trabajo del Capítulo Metropolitano y una situación de cuasi colapso de la estructura, las rentas no pagadas que la obligan a devolver el local a su propietario el 1 de enero de 1815, con el archivo de los efectos del V ° Orden. Al mismo tiempo, el Gran Oriente de Francia se hará cargo de la administración de todos los altos grados bajo su manto. Un Gran Consistorio de Ritos serán instalados a finales de 1815, que se convertirá en el Gran Colegio de Ritos en 1826. En 1823, el Capítulo Metropolitano renunciará a su título y optará por denominarse Capítulo de las Galias [23], acordándole la Patente del grado 30 del Rito Escocés Antiguo y Aceptado para esa ocasión.

El Vº Orden cesará de este modo toda actividad en la restauración que tendrá lugar en abril de 1814 con el advenimiento de Luis XVIII, antes de ser despertado a finales del siglo XX, pero eso es otra parte de la historia.

Colette Léger

[1] Extrait de la circulaire annonçant la création du Grand Chapitre Général  -Ms BNF FM1 59.
[2] Ms BNF FM1 56 f. 1.

[3] Revue Dix - Huitième Siècle n° 23  (1991) p. 249.
[4] Ms BNF  FM4  144.
[5] Structure d’une loge au delà de la maîtrise.
[6] Revue Renaissance Traditionnelle n° 163/164 de juillet/octobre 2011.
[7]  Procès verbal de la 70ème assemblée  de la Chambre des Grades. Ms BNF  FM1 56 f.142.
[8] Ms BNF  FM1 56 f. 61.
[9] Procès verbal de l’assemblée du 13 avril 1997 du Chapitre Métropolitain  Ms  BNF  FM1 61 f. 2.      [10] Procès verbal de l’assemblée du 2 avril 1800 du Chapitre Métropolitain  Ms BNF  FM1 61 f. 8.[11] Procès verbal de l’assemblée du 21 juillet 1801 du Chapitre Métropolitain  Ms BNF  FM1 61 f. 17.[12] Procès l de l’assemblée du 26 juin 1802   du Chapitre Métropolitain  Ms BNF  FM1 61 f. 247.
[13] Futur Rite Français.
[14] PV de l’assemblée du 20 décembre 1806  du Chapitre Métropolitain  Ms BNF  FM1 61 f. 38.
[15] Membre du Conseil des IX à compter de 1809.
[16] Ms BNF, FM4  1047N.
[17] Ms BNF  FM1 61.
[18] Procès verbal des réunions du V° ordre du 29 avril 1808 ms BNF  FM1 61.
[19] Mémoire de DEA: Le Chevalier du Soleil: contribution à l’étude d’un haut grade maçonnique en France au XVIIIème siècle  (1992).
[20] Cf. supra.
[21] Ms BNF  FM1  61 ff. 2 à 28.
[22] Rit du XVIIIème siècle, futur Rite Français.
[23] Procès verbal du Suprême Conseil des Rites du Grand Orient du 5 mars 1823  Ms BNF FM1  51 f. 298.

Traducción, revisión y recopilación:

Joaquim Villalta, Vª Orden, Gr.·. 9, 33º
Miembro Honorario del Soberano Grande Capítulo de Cavaleiros Rosa-Cruz de Portugal - Gran Capítulo General del Rito Moderno y Francés de Portugal
Miembro Honorario de la R.·. L.·. Estrela do Norte nº 553 del Grande Oriente Lusitano
Gran Canciller para Europa del Gran Oriente Nacional Colombiano
Miembro de Honor de la Gran Oriente Tradicional de Bolivia
Miembro de la International Confederation of Supreme Councils, AASR



"La Liberté"

A.·. L.·.D.·.G.·.A.·.D.·.L’.·.U.·.

T.·.V.·., et vous tous mes FF.·.& SS.·. en vos grades et qualités.

LA LIBERTÉ

L'ordre, et l'ordre seul, fait en définitive
la liberté. Le désordre fait la servitude.

                                                           Charles Péguy

La liberté Commence où l’ignorance finit.

Victor Hugo

J’ai pris la liberté de vous exposer ce que j’entends justement par : Liberté.

Il en est, qui vous diront, que la liberté c’est faire ce que l’on veut, quand on le veut… D’autres, aimeront à la décliner « frontalière » : « Ma liberté s’arrête là où celle de l’autre commence » … Enfin, il y a l’Ordre. Nous sommes mes FF dans un Ordre, sans pour autant être aux ordres, et nous y sommes venus de notre plein gré, libres ; Libres et de bonnes mœurs, comme le dit notre rituel. Je commence à peine, et l’on s’aperçoit déjà, que s’il est un terme, un mot, un vocable difficile à définir, c’est bien celui de Liberté. Epictecte en disait ceci : « … Est libre, celui qui vit comme il veut, qu’on ne peut ni contraindre ni empêcher ni forcer, dont les volontés sont sans obstacles, dont les désirs atteignent leur but, dont les aversions ne rencontrent pas l’objet détesté » alors que le petit Robert nous enseigne que c’est l’« état de ce qui ne subit pas de contraintes ». Les hommes auront de tous temps une abstraction toute particulière de ce mot. Où sont les passions vaincues et les volontés soumises dans ces définitions ? Avant d’en terminer là avec les interprétations du mot, j’aimerai vous lire ce que dit le Gaudium et spes de la Grandeur de la Liberté : « C’est toujours librement que l'homme se tourne vers le bien. Cette liberté, nos contemporains l'estiment grandement et ils la poursuivent avec ardeur. Et ils ont raison. Souvent cependant ils la chérissent d'une manière qui n'est pas droite, comme la licence de faire n'importe quoi, pourvu que cela plaise, même le mal. Mais la vraie liberté est en l'homme un signe privilégié de l'image divine. Car Dieu a voulu le laisser à son propre conseil pour qu'il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à lui, s'achever ainsi dans une bienheureuse plénitude. La dignité de l'homme exige donc de lui qu'il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d'une contrainte extérieure. L'homme parvient à cette dignité lorsque, se délivrant de toute servitude des passions, par le choix libre du bien, il marche vers sa destinée et prend soin de s'en procurer réellement les moyens par son ingéniosité ». Cette explication me semble prometteuse et son sens ésotérique fort. Je me suis, en d’autres temps et d’autres lieux, défini comme un homme libre, non parce que j’agis à ma guise, mais bien parce que je me contrains ; Ô certes pas sur tout… malheureusement, mais j’y travaille. La contrainte est l’alliée, la compagne de la liberté. La contrainte est cette partie commune entre l’autre et moi, cette divine communion qui fait que je peux accepter son point de vue de la même façon que lui recevra le mien. De là jaillira la lumière.


 Je suis dans le désert. Un chemin file vers l’Est, peut être une oasis, vers la fraîcheur et le repos fiévreux des pays écrasants, ceux qui laissent courir le regard sans fin, comme un lévrier fatal – c'est-à-dire la Mort – Je peux, car ma liberté me l’autorise, tourner le dos au sentier et me perdre, au hasard des étendues Sableuses et harassantes. Je peux aussi guider ma liberté vers une contrainte : suivre le chemin, trouver, au bout de ma quête la source qui étanchera ma soif et me lavera des poussières du voyage. Saint Thomas, se plaisait à dire que l’on est vraiment libre lorsque l’on se fait responsable de tout, être prêt à toujours répondre de soi-même. Avant Saint Thomas, le vieux Talmud de Babylone observait : « Si je ne réponds pas de moi, qui pourra répondre de moi ? Mais si je ne réponds pas de moi, suis-je encore moi ? ». Qu’y a-t-il de plus difficile à dire que : « Ce n’est pas moi ! » Ne pas se reconnaître, ne pas vouloir assumer la paternité de ses actes, ne pas en assurer la filiation par le biais des conséquences qu’ils ont engendré ! Dire « c’est moi, oui, c’est bien moi », naître à sa liberté. Etre Libre. Etre Soi-même. Ce n’est pas simple. C’est même très difficile, dur, éprouvant, pénible et souvent laborieux. Le Zohar, « Le Livre de la Splendeur », avance : « Parmi les oiseaux du Ciel, certains font leur nid à l'extérieur, d'autres à l'intérieur des maisons, comme l'hirondelle qui ne craint pas l'homme. Pourquoi ? Parce qu'on l'appelle "dror" dont la traduction en araméen est "herou", ou liberté. Les hirondelles nichent dans la maison pendant 50 jours après avoir pondu, après chaque oiseau part là où il veut, librement. Ainsi il est écrit dans Lévitique 25/10 : "Vous sanctifierez cette 50ème  année, en proclamant, dans le pays, la liberté pour tous ceux qui l'habitent (ouqratem dror baarets) : cette année sera pour vous le Jubilé (yovel hi tihyéh lakhem), où chacun de vous rentrera dans son bien, où chacun retournera à sa famille". La trancription et l’explication qu’en donne le Zohar est la suivante : « La liberté pour tous émane de cette 50ème année, et c'est ainsi que la Torah, qui est issue le 50ème jour (temps écoulé entre Pâque & Pentecôte soit sept semaines), est appelée "liberté". D'ailleurs les tables de la Loi sont gravées "h'arouth", homonyme de "h'érout", liberté. On libère et on se libère de la matière. La Loi du décalogue apporte la Liberté en toute chose, en toute sphère, en tout monde, en toute créature, en Haut comme en Bas… ».

J e citais en préambule la maxime populaire, la formule de genre convenable qui dit que « Ma liberté s’arrête là où celle de l’autre commence » … Ceci voudrait dire que ma liberté est ambulante, à géométrie variable, mitoyenne à celle de l’autre suivant l’humeur, l’envie ou la lassitude à la seule condition qu’elle n’empiète pas chez le voisin … Ce n’est pas çà la Liberté ; cela s’appelle la solitude. Non, la Liberté c’est justement cette sublime zone, douce, qui nous est prodiguée à lui et à moi et dans laquelle l’échange est possible. En fait nos libertés sont communes, consonantes, c’est une perspective de recouvrance, une communion aimante. Là est la Liberté Féconde, la seule possible.

Le Sage disait « ne demande jamais ton chemin à quelqu’un qui le connaît, tu pourrais t’égarer ». Ne suis personne. En revanche suis les traces immémoriales. Va simplement. Aller n’a jamais été suivre. Emprunter une voie n’est pas mettre ses pas dans ceux de celui qui a tracé le chemin, c’est beaucoup mieux que ça : c’est partager le périple avec lui. Rien ne peut être pareil : ni le temps, ni les embûches, ni tes pensées … rien de ce que tu vivras sur cette route ne peut être identique à ce que vécut l’Autre. Le précipice est là, et le vertige t’oppresse, le vide t’attire, l’appréhension te commande presque de reculer alors que l’amblyope, l’aveugle, est passé là sans frissonner, en frôlant la paroi avec ingénuité. Ainsi chacun avance avec son propre fardeau, et les pierres que tu as poussées du pied, un autre les aura enjambées. On chemine avec ses propres tourments. Les pas japonais que tu auras choisis ne seront pas les mêmes que ceux sur lesquels je poserai mes pieds, mais notre but est identique. C’est en cette perception, que la jolie parole de Jean prend tout son sens ésotérique : « La Vérité rend libre ». Dieu rend libre parce qu’il partage, c’est l’amour qui rend libre et non la solitude. Il ne peut y avoir d’amour sans choix et donc sans liberté.

Nous sommes ici, comme je l’ai dit au tout début, de notre plein gré. Pendant la cérémonie de réception, il nous a été proposé à plusieurs reprises de nous retirer, si l’ampleur de la tâche nous paraissait trop importante : Mourir pour mieux renaître ! En fait, l’aphorisme complet est le suivant : Pour naître, il faut mourir et pour mourir, il faut s’éveiller ». Nous pourrions développer cet aphorisme en d’autres grades, mais cet éveil, n’est autre que sa propre libération. Gagner sa liberté, n’est ce pas là ce que nous sommes venus chercher en Loge ? Je vous invite mes FF à parcourir Bernanos qui exprime de façon magnifique « la liberté est une condition de l’amour ». Dans la Genèse, Dieu confit à l’homme l’ensemble de la création visible, il le place donc dès le début sous sa propre sauvegarde. Si cela ne s’appelle pas liberté… comment doit-on le nommer ? Mais le GADLU le fait parce qu’il crée l’homme raisonnable, à son image. Il lui confère donc l’initiative et le contrôle de ses actes. Vous allez trouver que je me répète mais nous voyons bien que notre propre contrainte est bien l’alliée indissociable de notre Liberté : Vaincre ses passions… Notre seul credo, ne peut qu’être le choix libre du bien.

Notre liberté aujourd’hui, c’est ici, dans l’athanor de la Loge, qu’elle s’exprime le mieux. Loin des facilités des « prêt-à-penser », du « terrorisme » du politiquement correct, des distillats d’expressions, d’images et d’idées, formatées, prédigérées et ingurgitées. Nous sommes là, pour nous rendre libres aux travers de notre conscience et de notre intelligence, par le travail des vertus. Un vieux Sage chinois avait pour coutume de dire à ses disciples que ses passions et ses désirs étaient semblables aux enfants, plus on leur cède et plus ils deviennent exigeants. Nous sommes leurs esclaves, nous les traînons partout, ils font notre bât, notre fardeau, notre peine. Soyons humble, et œuvrons à notre libération. Nos outils : le Rituel, nos symboles et l’Amour Fraternel.

Avant de conclure, je voudrais vous parler des belles histoires que nous racontent les textes anciens, qui nous ramènent à nos origines. En feuilletant le Manuscrit d’Halliwell, plus connu sous le nom de Regius, il m’est apparu des évidences troublantes. Je vous en cite quelques unes :

  • Dans son article Quatrième : … « Le Maître fera bien de ne pas prendre un serf comme apprenti … » Le serf au Moyen-Âge, était attaché à une terre, il ne pouvait la quitter… il n’était donc pas libre.

  • Article Quinzième : … « Envers aucun homme, il (le Maître) ne doit adopter un comportement faux… Ni souffrir qu’ils (que ses compagnons) fassent de faux serments, mais s’inquiéter de leurs âmes par amour… »

Nous pourrions multiplier les exemples dans d’autres références (le Cooke, les Statuts de Bologne, de Strasbourg, de Shaw ou de Ratisbonne), mais tous nous ramèneraient vers notre Rituel et plus particulièrement vers l’instruction.

Je prendrais donc la Liberté, d’encourager nos jeunes FF Apprentis, à ne pas hésiter à se rendre libres. Pour cela leur instruction leur dit qu’ils ont été introduits en loge par trois grands coups qui signifient : « demandez vous recevrez, cherchez vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira ». C’est un très beau message d’encouragement pour aller vers la Liberté.

Enfin, je terminerai en vous disant que la liberté n’a pas de prix ; le meilleur exemple en fut le Christ ; Marc-Aurèle nous dit : « Voici la morale parfaite : vivre chaque jour comme si c'était le dernier ; ne pas s'agiter, ne pas sommeiller, ne pas faire semblant » ; la liberté ne peut donc être simulée.

J’ai dit 

Marc-Antoine Bonnet, Ve Ordre, Gr.·. 9, 33º

TSPGV du Grand Chapitre Général d'Andorre

Bliographie :

  • Epictète : Pensées et entretiens

  • Gaudium et spes : « Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps » Vatican II (7/12/1965)

  • Le Zohar : Le Livre de la Splendeur.

  • P. D. Ouspensky : « Fragments d’un enseignement inconnu » Stock 1947

  • Jean Ferré : « Histoire de la Franc-maçonnerie par les textes (1248 – 1782) Ed. Du Rocher 2001

  • Evangile selon Saint-Jean.