Maître Parfait


Précautions préalables :

Faire un travail sur un grade sans pour autant en révéler le contenu initiatique : voilà l’enjeu. Donc rien sur les mots, signes et attouchements ni sur les voyages, lieux visités et passages du récit légendaire et initiatique.

Pourquoi s’intéresser au grade de Maitre Parfait ?

Dès les premières divulgations, il est précisé que les détenteurs du grade de maitre parfait devaient avoir une place particulière du à leur rang dans l’Ordre.

C’est exactement cela qui a attiré l’attention de René Guilly. En fin connaisseur des us et coutumes de la franc-maçonnerie et des rituels, il va commencer à s’intéresser aux textes d’origine de ce grade.

Les textes de base :

MS5934 pièce 1 – Rituel de Réception de Maitre Parfait et Écossais. Manuscrit autographe de Willermoz, circa 1760. 13pp. In-4 (transcription de Dominique Sappia) qui se trouve dans le livret de Maitre Parfait que j’ai édité.

Dans la revue du Suprême Conseil Grand Collège du Rite Écossais Ancien Accepté du GODF : « l’Écossais » n°14 nous trouvons l’étude de sept anciens rituels tous datés du 18ème siècle :

1. Parfait Maitre ou le Maçon Parfait, collection du Baron de Salm, qui comporte 13 pages, la première portant la mention Jérusalem 5775.

2. Grade de Parfait, collection Jean-Baptiste Bonseigneur qui est une copie faite après 1791 de cahiers beaucoup plus anciens, appartenant à une loge du Cap-Français de 1752 ?

3. Le Parfait Maitre Élu, collection Mirecourt fonds Kloss

4. Maitre Parfait, manuscrit MS 1097/44 de la Bibliothèque Nationale d’Australie, fond Clifford. Ce texte date environ de 1765. Il a 12 pages manuscrites.

5. Quatrième grade de l’Art Royal au premier Temple ou Ancien Maitre, MS 2098 de la bibliothèque Municipale de Bordeaux, appelé « Livre des Marchés », collection de rituels français d’une série en sept grades : Apprenti, Compagnon, Maitre, Maitre Parfait, Maitre Élu, Écossais d’Heredom, Secret du Royal Arch. Le rituel comporte 9 pages avec un tableau, l’avant-propos est de 30 pages manuscrites.

6. 5ème Grade : Maitre Parfait, manuscrit Francken de 1783

7. Le Maitre Parfait quatrième grade, recueil précieux de la maçonnerie Adoniramite 1786.

Dans ce numéro de l’Écossais suit une étude détaillée et comparative de ces différents textes, augmentée d’une riche iconographie de tableaux d’origine.

Les éléments constitutifs du grade :

Évidemment j’ai indiqué en préambule que je ne dirai rien sur les éléments constitutifs du grade. Mais l’exception confirme toujours la règle et donc nous allons tout de même en parler.

Les éléments qu’aborde ce grade sont entre autres le nombre 4, la quadrature du cercle et surtout et essentiellement l’entrée dans le Saint des Saints.

Le 4 est traditionnellement la représentation du carré et donc de la terre qui avec ces 4 dimensions et notre vision qui en délimite le périmètre peut s’opposer ou plutôt s’harmoniser avec le cercle qui dans toutes les traditions représente le ciel. Les cloitres des monastères n’en sont que la représentation chrétienne. Le cloitre est le lieu ou les moines déambulent dans une sorte de récréation. Mais pour les moines même au repos on est en présence de Dieu et donc la déambulation en carré – on dirait à l’équerre avec les mots des maçons - rappelle la terre, le jardin central avec souvent un point d’eau, que ce soit une marre ou un puits, lorsque cela est possible, représente le jardin d’Éden et le ciel, aperçu au-dessus de cette cours à ciel ouvert, renvoi au cercle – on dirait au compas avec les mêmes mots des maçons - et ce dans toutes les traditions ou le ciel, lieu de résidence de la divinité, est un cercle.

Je ne résiste pas à vous donner les définitions du Rite Anglais de Style Émulation de l’Équerre lors de l’ouverture des travaux au 2ème grade :

V.·. M.·. Par quel instrument d'architecture dois-je vous mettre à l'épreuve ?

2e S.·. Par l’Équerre.

V.·. M.·. Qu'est-ce qu'une Équerre ?

2e S.·. C'est un angle de 90 degrés ou le quart d'un cercle.

VM Puisque vous connaissez les secrets de ce grade, mettez à l'épreuve les Frères et Sœurs Ouvriers du Métier. Vous me transmettrez ensuite à leur exemple le signe qu'ils vous auront donné.

Et du Cercle lors de l’ouverture des travaux au 3ème grade : V M : Qu'est-ce qui a été perdu ?

1er S : Les secrets originels du Maître Maçon V M : Comment ont-ils été perdus ?

2e S : Par la mort prématurée de notre Maître Hiram Abif

V M : Où espérez-vous les retrouver ? 1er S : Au Centre

V M : Qu'est-ce qu'un Centre ?

2e S : Un point dans un cercle, placé à égale distance de tous les autres points de la circonférence

V M : Pourquoi au Centre ?

1er S : Parce que c'est un point à partir duquel un Maître Maçon ne peut s'égarer

V M : « Nous allons vous aider à réparer cette perte … et puisse le Ciel seconder nos efforts réunis. »

Partant de cette présentation, je vous laisse faire vous-même la liaison initiatique entre l’Équerre et le Compas pour aboutir à la quadrature du cercle. Sans omettre de vous dire qu’il y a 16 bougies en 4 fois 4 dans la loge. Le carré de 4 pour ceux qui seraient réfractaires aux explications simples.

Mais maintenant, nous devons aborder le Saint des Saints.

Voici ce que nous dit René Guilly le 1er février 1992 lors d’une communication intitulées : « Deux aspects du grade de Maitre Parfait » reproduit en intégralité dans le livret de Maitre Parfait du Souverain Chapitre Français Jean Théophile Desaguliers de Provence :

« - Donc, premier point établi « en béton » : le grade se situe dans le Saint des Saints du Temple de Salomon.

Nous avons eu en face de cette évidence – ce n’est pas une découverte, c’est une évidence – une attitude ambigüe. Moi, j’ai eu personnellement un moment de recul… Comment ?... Le Saint des Saints… Le lieu absolument sacré pour les juifs… pas « sacré », mais « saint » – « sacré », ce n’est pas juif. Comment ce lieu aussi saint peut-il intervenir dans un grade maçonnique ? Peut-il être profané par tout ce que nous allons faire avec tout cela ? De temps en temps, il y a parmi nous la présence d’un frère israélite et, comme nous sommes des gens d’une certaine nature extrêmement respectueuse des convictions, on s’est dit : « Mais on va choquer… C’est affreux… C’est horrible ! » Et je me souviens d’une tenue à Neuilly où l’on s’est mis à repérer à chaque fois dans le rituel où il y avait écrit « Saint des Saints » pour remplacer « Saint des Saints » par « sanctuaire ». C’était une démarche. Mais, cet été, j’ai fait une révision de ce grade et je me suis aperçu que c’était une attitude typiquement maçonnique, c’est-à- dire d’une sottise absolue ! En faisant cela, on risquait de passer à côté de l’essentiel. J’ai dû revenir en arrière et j’ai passé toutes les corrections que nous avions faites « par pertes et profits » pour déblayer leterrain.

Le reste est d’une simplicité effrayante parce que le Saint des Saints, ça n’existe pas en soi. Le Saint des Saints, c’est la partie d’un édifice. C’est la partie de l’édifice du Temple de Jérusalem. On ne peut pas poser quelque part le Saint des Saints ; ce n’est pas vrai. On peut considérer le Temple et, dans le Temple, on peut considérer le Saint des Saints. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre… Ce n’est pas une partie détachable que l’on peut promener n’importe où et n’importe comment. Et puis, la seconde constatation, c’est que, pour le peuple d’Israël, le Nom de Dieu qui a été révélé sur le Sinaï se trouvait ensuite dans le Saint des Saints du Tabernacle. Et, quand on a construit le Temple de Jérusalem, le Nom de Dieu résidait dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem. Il ne résidait, pour le peuple juif, que là. Ce qui veut dire que, non seulement, vous ne pouvez pas évoquer le Saint des Saints sans évoquer le Temple de Jérusalem, mais que vous ne pouvez pas, non plus, considérer ce mot – qui, je vous le rappelle, est totalement imprononçable – sans considérer qu’il se trouve dans le Saint des Saints. Par conséquent, dans ce grade, nous avons un ensemble : le nom du Saint des Saints et le Nom de l’Éternel qui est inséparable du Temple de Jérusalem. »

Et plus loin :

« - Vous savez que l’on disserte actuellement beaucoup sur les origines de la franc-maçonnerie. On est à peu près d’accord pour en trouver deux, au XVIIe siècle. La première vient de l’apport écossais qui s’est répandu, selon moi, assez tardivement en Angleterre, c’est-à-dire dans la dernière partie du XVIIe siècle. Et nous avons la maçonnerie des Anciens Devoirs qui, elle, est au contraire plus précoce.

David Stevenson dit que rien ne prouve que la maçonnerie qui se pratiquait, par exemple, à Warrington, ait été imprégnée par les données écossaises, et que c’était une maçonnerie des Anciens Devoirs qui s’inspirait de traditions britanniques, anglaises, mais pas nécessairement écossaises. Et moi, je crois qu’il y a une troisième source. Nous allons, petit à petit, nous rendre compte de son importance, par le fait que la maçonnerie symbolique et spéculative que nous pratiquons est en prise directe sur elle.

À la suite d’un certain nombre de recherches, je suis tombé par hasard sur des ouvrages extrêmement curieux. Le premier ouvrage, de 1659, est d’un auteur que nous connaissons mal – Samuel Lee. Il porte le titre de Orbis Miraculum or the Temple of Salomon, Pourtrayed by Scripture- Light.

Notez la date : 1659. En 1659, l’ouvrage a eu un très grand nombre d’éditions. Ce qui est triste pour nous, c’est que cet homme extrêmement digne – c’était un pasteur protestant – est allé aux Amériques à la fin de sa vie, et rentrant en Angleterre, il a été capturé par des corsaires malouins pour mourir dans une geôle malouine. Ce ne sont pas des choses très agréables à penser… Ensuite, il y a un autre ouvrage encore plus important, plus curieux, Solomon's temple spiritualized or gospel- light fetched out of the temple at Jerusalem – c’est-à-dire « Le Temple de Salomon spiritualisé ou la Lumière de l’Évangile recherchée tirée à partir du Temple à Jérusalem » – écrit par John Bunyan. Cet ouvrage est de 1688. John Bunyan est un homme absolument célèbre, un homme des plus célèbres au monde que vous ignorez joyeusement – c’est tout le problème des abîmes entre les cultures… C’est lui qui a écrit The Pilgrim's Progress – c’est-à-dire « Le voyage du Pèlerin » – qui a connu un nombre d’éditions et de traductions absolument faramineux et presqu’autant que la Bible elle- même. Sa vie est extraordinaire, mais je ne suis pas là pour vous raconter la vie de Bunyan…

Les années 1660-1688 ont constitué une période extrêmement curieuse dans la vie spirituelle anglaise dont je vais essayer de vous donner quelques caractères. En 1660, la monarchie a été restaurée en Angleterre. Le fils de Charles 1er – Charles II – est monté sur le trône et il y a eu immédiatement une répression extrêmement forte envers tous les Dissenters – c’est-à-dire « les marginaux » – des Églises officielles admises. Il y avait une prolifération extraordinaire en Angleterre de tous ces Dissenters qui se sont retrouvés obligés d’émigrer aux États-Unis ou mis en prison comme John Bunyan qui y a passé douze ans de sa vie. Ces gens-là avaient une tournure d’esprit extrêmement particulière que je vais essayer de vous résumer en quelques mots.

Vous vous souvenez que, lorsque j’ai écrit l’article sur « La Pierre angulaire » et que j’ai traduit le chapitre du Speculum Humanae Salvationis qui se rapportait à la Pierre angulaire, nous avions tous, un peu ensemble, découvert la mentalité typologique du Moyen Âge, c’est-à- dire la volonté de lire en permanence dans l’Ancien Testament toutes les vérités du Nouveau. C’est cela que ça veut dire. C’est une maçonnerie qui repose sur le type – un certain nombre de personnages, de fêtes – qui renvoie à un antitype. L’antitype, c’est le Christ et c’est le Nouveau Testament.

Donc, en parlant de l’Ancien Testament, en réalité, on parle du Nouveau. C’est une mentalité qui a été très profondément enracinée dans notre civilisation. J’ai dit que, sur le continent avec le concile de Trente, cette mentalité typologique a disparu. Et je disais dans cet article que le concile de Trente ne s’est pas appliqué, et pour cause, à la Grande-Bretagne puisque l’Angleterre était séparée de l’Église catholique. Par conséquent, cette mentalité typologique a pu subsister en Angleterre. Mais, quand j’ai consulté ces ouvrages, j’ai été pris d’un véritable vertige car il s’agit d’une mentalité typologique poussée au dernier degré du possible ! Jamais l’Église catholique n’a été aussi loin dans la recherche du christianisme à l’intérieur de l’Ancien Testament. C’est une caractéristique de tous ces mystiques protestants, marginaux qui, ayant acquis un respect profond pour l’Ancien Testament, y ont recherché avec frénésie toutes les vérités du Nouveau Testament. 1688, la date de l’ouvrage de Bunyon, correspond à la chute de Jacques II – qui est venu à Saint Germain en Laye, comme vous le savez – et, à ce moment-là, la persécution a cessé et un certain indifférentisme a commencé à régner en Angleterre. Je crois qu’il y a eu une période d’ébullition spirituelle sous la persécution qui s’est étendue du début à la fin de la restauration des Stuart.

Alors, vous me direz : « Quelles preuves peut-on avoir que ceci ait un rapport avec la maçonnerie ? » Une première preuve, c’est que ce genre de spéculations sur le Temple de Salomon que nous trouvons dans la maçonnerie est quelque chose d’extrêmement particulier et jamais, jamais, jamais… nous n’avons pu trouver la moindre base archéologique à tout ce que nous faisons. Il y a deux autres choses dont je veux vous parler et qui établissent là la preuve de la collusion. Dans un des manuscrits les plus anciens des Early Masonic Catechisms – c’est-à-dire le Dumfries n° 4 – vous avez une sorte de document maçonnique et, au milieu de ce document maçonnique, un peu sans crier gare et sans que l’on comprenne vraiment pourquoi, vous avez « Questions concernant le Temple ». Quand vous lisez ces questions et ces réponses dans ce document de 1710 – c’est-à-dire très peu de temps après 1688 – vous trouvez exactement la même mentalité. Toutes sont des références au Nouveau Testament que nous- mêmes, aujourd’hui, nous n’oserions pas proférer tellement elles sont poussées à l’extrême limite du possible. Là où les choses se corsent, c’est qu’il y a, dans un document maçonnique peu connu, que je viens de traduire pour le numéro qui va sortir de Renaissance Traditionnelle, le rituel le plus ancien de l’Arc Royal. Les Anglais le connaissent : il s’appelle Le Manuscrit Sheffield. Dans ce manuscrit – il n’est pas daté – on discute : 1780, 1790… Aucune importance : c’est la fin du XVIIIe siècle. À la fin de ce manuscrit se trouve « La connaissance mystique du Temple ». Quand vous lisez cela, vous vous dites : « J’ai déjà lu ça quelque part… » Évidemment, c’est la même chose que dans le Dumfries n° 4 ! Ce qui veut dire que, entre un document de 1710 et un rituel de l’Arc Royal de 1790 qui n’était pas connu en 1710 et qui, apparemment, n’avaient pas de rapport entre eux – le premier était de la maçonnerie écossaise opérative déjà mêlée, peut- être, de la maçonnerie anglaise –, vous trouvez comme trait d’union le même texte. Et ce même texte s’inspire absolument de la tradition interprétative que je viens de vous donner pour cette période de 1660 à 1688.

Cela veut non seulement dire que le Temple de Salomon est présent dans la maçonnerie, mais aussi que la clé de la maçonnerie repose non pas sur le Temple de Salomon, mais sur une interprétation mystique libre du Temple de Salomon. Ce qui est constant est que tout ce qui est figuré dans le plan appartient soit au Temple de Salomon, soit à la vieille tradition maçonnique. Ensuite, les maçons spéculatifs ont composé avec cela. Mais ils n’ont pas toujours composé la même, de la même façon. Si on cherche une logique entre toutes les compositions que l’on peut restituer, on s’aperçoit qu’il n’y en a qu’une. Elle est mystique. Alors, il faut abandonner tous nos efforts de rationalisation, abandonner toutes nos références à l’archéologie comme règle normative – encore qu’elles soient tout à fait indispensables – et nous dire que la solution de la maçonnerie est à rechercher dans le jeu spirituel. À la place du kriegspiel, il y a un jeu qui était le jeu spirituel de la maçonnerie consistant à disposer des éléments et à spéculer sur ces derniers. Pour les tableaux, en définitive, il n’y a pas d’autres sources – c’est bien ce que nous avons fait – que les Instructions par Demandes et Réponses qui nous parviennent et nous fournissent des indications sur les éléments qui entraînent dans cette spéculation maçonnique. Par conséquent, lorsque vous avez le tableau de la loge, vous avez quelque chose qui est une partie tronquée du Temple de Salomon. »

Et plus loin encore :

« - Ceux qui pratiquent l’Arc Royal voient très bien qu’il y a une équivalence profonde entre ce grade et le grade de Maître Parfait. D’autre part, on peut arriver, par l’érudition maçonnique, à faire un groupement de grades peu nombreux – mais quand même assez substantiels – ayant comme caractéristique le Saint des Saints. Il y en a un certain nombre. De là l’idée que tous ces grades, sous des formes extrêmement diverses, proviennent d’une origine commune, perdue et qu’elle est un ancien grade de Maître.
Ancien grade de Maître qui vient d’où ? Je ne le sais pas. Je doute fort que ça vienne de la source écossaise et de la maçonnerie classique des Anciens Devoirs. Par contre, dans le cadre des spéculations dont il a été question tout à l’heure, alors ça me paraît être d’une logique extrême. Voilà, en gros, dans la première partie, ce que je voulais vous dire. »

Le Souverain Conseil des Maitres Parfaits de France :

René Guilly et son équipe accordaient une telle importance à ce grade qu’ils décidèrent de créer une association Loi 1901 avec statuts et règlements Intérieur.

Un n°1 du bulletin du Souverain Conseil des Maitres Parfaits de France fut sorti en octobre 2011 sous le titre de « La Pierre Carrée » sous la direction d’Alain Gibon son Président.

Je fais ici une parenthèse concernant René Guilly qui a ouvert le 1er chapitre français avec une patente venant du chapitre de Belgique. Le Souverain Chapitre Français Jean Théophile Jean Desaguliers est ainsi le chapitre métropolitain pour la France. C’est à dire que tous les chapitres existants découlent d’une façon ou d’une autre de ce Chapitre. Chapitre dont le Souverain Chapitre Français Jean-Théophile Desaguliers de Provence est le prolongement et par conséquence l’Alliance des Souverains Chapitres de Rite Français en bénéficie aussi. Il est toujours très important de faire les liens historiques des structures afin de pouvoir en vérifier la solidité première.

Maçonnologie ?

Mais revenons à la démonstration que vient de nous faire René Guilly. Celle-ci est un exemple particulièrement brillant de recherche en matière d’histoire de la franc-maçonnerie :

1. Il identifie un grade important par le rang qui est donné à ceux qui en sont titulaire lors des cérémonies maçonniques du début du 18ème siècle.

2. Il retrouve les rituels historiques et les étudie.

3. Il constate entre autre la place primordiale accordée au Saint des Saints qui le surprend à plusieurs titres ; nous l’avons entendu plus haut.

4. Il recherche et trouve des textes anglais de la fin du 17ème siècle qui
contextualisent ce problème dans la recherche de concordance entre l’ancien et le nouveau testament.

5. Il comprend que la maçonnerie d’origine, de part ces sources diverses peut avoir plusieurs grades finaux. En effet dans le cadre de l’ancien testament que faire de plus haut que d’accéder au Saint des Saints et d’y faire ce que tout Grand Prêtre y faisait.

6. Il s’interroge sur la source exacte de ce grade, et nous laisse avec la question ouverte.

7. Convaincu de l’importance de sa découverte, il fait revivre ce grade.

Conclusion :

Si notre frère Éric a voulu que je vous présente ce grade, c’est parce que nous le pratiquons en préalable à l’entrée de nos membres au 1er Ordre.

Donc il est ouvert aux membres du Rite qui possèdent au moins le 1er Ordre.

Si ce grade vous intéresse, sachez que vous pouvez soit venir le découvrir lors d’une prochaine tenue. Ou mieux, si vous voulez le vivre en tant que candidat, un courrier de demande nous permettrait de vous programmer pour sa réception.

J’ai dit.

Robert Guinot, S.·. P.·. R.·. C.·.
Grand Vénérable de l'Alliance des Loges Symboliques
Très Sage et Parfait Maître du Souverain Chapitre Jean Théophile Désaguliers de Provence
Chapitre membre de l'Alliance des Souverais Chapitres de Rite Français

Una transmisión en el espíritu del Rito Francés Moderno. La Instalación del Venerable denominada del Conde de Clermont

Tras la lectura del Ritual para la Instalación del Muy Venerable Maestro en el Rito Francés de los Modernos practicado por la “Madre Logia Francesa y Escocesa de Maestros Instalados” de Provenza, Languedoc y Roussillon, resulta imprescindible traducir el brillante y pedagógico prólogo al mismo desarrollado por el Muy Ilustre Hermano Jean-Pierre Duhal, Vº Orden, Caballero de la Sabiduría, Soberano Gran Inspector General. El inmenso recorrido y bagaje masónico del Hermano Duhal es ciertamente extenso y de gran experiencia en su conocimiento y responsabilidades en pro del Rito Francés especialmente, siendo el Muy Sabio y Soberano Maestro del Sublime Consejo “Provence Fidélité”, miembro fundador del Vº Orden, así como Pasado Muy Sabio y Perfecto Gran Venerable de la Cámara de Administración del Grand Chapitre Général du Grand Orient de France. La calidad está asegurada. Prosigo pues a exponer este excelente material del M.·. Il.·. H.·. Jean-Pierre Duhal que seguro resultará enriquecedor y de sumo interés para los lectores.

Una transmisión en el espíritu del Rito Francés Moderno. La Instalación del Venerable denominada del Conde de Clermont

La instalación esotérica del Venerable Maestro tiene lugar hoy en la casi totalidad de casos, a partir de un ritual proveniente de Inglaterra y divulgado en 1760 en "Three distinct knocks at the door of the most ancient Freemasonry". Es la transmisión más antigua de este "grado colateral". Sin embargo, existe una transmisión equivalente a la anterior en Francia. Está fechada del siglo XVIII y es practicada hoy en día por algunas logias ya que los rituales están poco difundidos.

Dos textos dan testimonio de esto: El primero se extrae de los llamados rituales del Marqués de Gages, que fue Gran Maestro Provincial de los Países Bajos austríacos bajo la obediencia de la Gran Logia de Francia, y bajo la autoridad del Príncipe de Bourbon, conde de Clermont. Esta ceremonia fue parte del corpus ritual y está incluida en el manuscrito FM-4 79 conservado en el Biblioteca Nacional de Francia en París. Estos rituales datan de 1763, y fueron utilizado por Gages desde 1765.
El segundo proviene de una versión de los rituales oficiales de la Cámara de Grados difundido en forma de manuscritos por Roëttiers de Montaleau, con su firma y la fecha de 1787 escrita de su mano. Es poco conocido porque, si bien figura en los manuscritos enviados en 1786-1787 por Roëttiers de Montaleau a las logias de la correspondencia, curiosamente desaparece de las copias posteriores y particularmente de la versión impresa del Regulador, 15 años posterior, ciertamente, a la versión manuscrita.
Estos elementos se encuentran hoy incluidos en el sistema Escocés Antiguo y Aceptado y constituyen en su mayor parte su 20° grado; por otro lado, conforman una parte de la misión del Caballero de Oriente, Tercera Orden del Rito Francés Moderno.

Esta práctica debe su existencia a la regla que se exigía en Francia, de no poder ser el Maestro de una Logia si no se poseía un cierto Grado como el de Escocés. Esta regla sin duda se ha mantenido en el régimen escocés rectificado desde 1779, que requiere ser Maestro Escocés de San Andrés para llegar a ser Venerable Maestro. La aparición de nuevos grados suplantando al de Escocés como el de Caballero de Oriente movió la transmisión, como se especifica en el Libro de arquitectura de la Gran Logia de los Maestros Regulares de Lyon en el artículo 31 de su estatuto aprobado en 1760: "ningún maestro puede ocupar el asiento particular de su Logia sin que no está previamente revestido con los grados antes mencionados ... " Así, en Lyon en 1760, los Maestros de la Logia deben ser primero Caballeros de Oriente para ser elegidos VM y hay una ceremonia de constitución del nuevo Maestro en el cual un signo, una palabra y un toque particular serán comunicados.
Otra confirmación en la Gran Logia de París en 1761 en el detalle de los principales
reglamentos en 10 artículos: Artículo 1 "todo Maestro elegido de la logia deberá estar revestido de los siete grados principales ... »
El documento del Marqués de Gages de 1763 guarda fuertes semejanzas con el Caballero de Oriente (nombre del recipiendario y del Gran Maestro, armamento caballeresco, las purificaciones por el hierro y por el fuego ... por no mencionar la palabra de entrada que es L.D.B. (Louis de Bourbon) que recuerda a otra máxima de los Caballeros de Oriente.
Entre otros hechos notables, la transmisión solo se puede hacer con un mínimo de 3 Maestros instalados y el toque que recuerda al de origen inglés.
En el “Tuileur de Vuillaume” en el preámbulo del 20 ° Grado, se afirma:
"En los primeros tiempos de la introducción de la masonería en Europa, el cargo de
Venerable de Logia era vitalicio y el poder se confería por el presente Grado."
Por lo tanto, podemos deducir que la masonería francesa en los años 1760-1790 tenía una instalación del venerable evocada por las más importantes Estructuras masónicas de la época.

La presente transmisión tiene su justificación histórica y coherencia con relación a la Masonería Francesa de la Tradición. Está inspirado en los rituales del grado de Maestro de la Logia de la época, así como de la Tercera Orden del Rito Francés y del 20º del R.E.A.A. La presente redacción más completa y más legible corresponde al esquema de las prácticas contemporáneas.

Referencias principales:
1. Colección de los rituales del marqués de Gages de la Logia de Mons 1763 (BN Paris cote FM4 79)
2. Ritual del Grado de maestro de Logia – Museo Calvet Avignon Ms 3079
3. Historia, obligaciones y estatutos de la hermandad de los Francmasones-1742-La Tierce
4. “Renaissance traditionnelle” No. 54-55-57 y en particular 64
5. Las Órdenes del Rito Francés y el Rito Escocés Antiguo y Aceptado

Traducido por Joaquim Villalta, Vª Orden, Gr.·. 9, 33º
M.·. I.·.
Director de la Academia Internacional de la Vª Orden - UMURM
Gran Orador del Sublime Consejo del Rito Moderno para el Ecuador
Miembro Honorario del Soberano Grande Capítulo de Cavaleiros Rosa-Cruz de Portugal - Gran Capítulo General del Rito Moderno y Francés de Portugal
Miembro Honorario de la R.·. L.·. Estrela do Norte nº 553 del Grande Oriente Lusitano
Gran Canciller para Europa del Gran Oriente Nacional Colombiano
Miembro Honorario del Soberano Supremo Consejo del Grado 33 para el Escocismo de la República del Ecuador
Miembro Honorario del Supremo Consiglio del 33º ed Ultimo Grado del R.S.A.A. per l’Italia e sue Dipendenze
Miembro del Suprême Conseil du 33e Degré pour la France du Rite Ancien et Accepté (Cerneau's Rite)
Pasado Presidente de la Confederación Internacional de Supremos Consejos del Grado 33º del R.·. E.·. A.·. A.·.
Muy Poderoso Soberano Gran Comendador del Supremo Consejo del Grado 33º para España del Rito Antiguo y Aceptado (Rite de Cerneau)
Gran Comendador del Soberano Gran Consejo de los Príncipes del Real Secreto de España, Rito de Perfección.

Le dualisme des cathares

Il est quasiment impossible d'expliquer en détail et en peu de temps de ce que furent les cathares, ou de ce que fut l'histoire de cette guerre qui dura plus d'un siècle et qui ne faisait que 3 lignes dans nos manuels d'histoire.

Je vais essayer toutefois d'ouvrir quelques portes qui j'espère vous donneront envie d'aller chercher plus loin.

Pour les amateurs d' histoire, c'est quand même le récit d'une conquête sanglante, pour les amateurs de sociologie, on plonge en plein moyen âge dans une société tolérante qui encourage une religion qui remet en cause les fondements mêmes de la féodalité, qui donne aux femmes des droits identiques aux hommes, qui accueille ces parias de l'occident Chrétien que sont les juifs et qui va jusqu'à leur donner des charges officielles, enfin pour les amateurs de théologie ou de symbolique religieuse une approche du binaire et une tentative d'explication de l'être et du non être.

Tout d'abord, s'il est un mot qui va revenir sans cesse ce soir, je veux parler du mot cathare, il est bon d'en expliquer le sens réel.

Est-ce que tout le monde ici en connaît le sens ?

Ce mot ne figure que dans les minutes des procès de l'inquisition, jamais il ne fut utilisé, prononcé ou écrit par ceux que l'on a affublé de ce surnom.

Entre eux les cathares s'appelait "Chrétiens" ou bons chrétiens quand ils avaient reçu le consolamentum, leur seul vrai sacrement. Les gens du peuple les appelaient plus généralement les bons hommes ou les bonnes femmes, en raison de l'exemplarité de leur vie aux antipodes du clergé catholique.

La traduction simpliste de cathare en "pur" ou "parfait" par analogie au grec cataros est d'une incommensurable bêtise.

D'abord aller chercher une traduction grecque d'un mot sorti de manuscrits en latin, peut paraître un peu facile, ensuite comment peut on imaginer que les inquisiteurs qui n'ont eu de cesse de souiller, rabaisser, diaboliser ces pauvres hérétiques, les surnommer : les purs ou les parfaits.

La réponse est sans doute dans un manuscrit écrit sur l' hérésie en 1099 par un moine germanique ou le terme utilisé est "cathus", mot dont on affublait les sorciers et tous ceux qu'on désignait comme ayant commerce avec le diable.

Cathus voulant dire : qui embrasse le derrière d'un chat. Allusion au chat noir qui paraît-il accompagnait toujours les sorciers et dans lequel le diable s'incarnait. Le baiser au postérieur du diable était le signe d'allégeance aux ténèbres.


Un peu d'histoire.

Les hérésies dualistes ne sont pas apparues soudainement au 10eme siècle, elles sont sans doute aussi vieilles que le christianisme. Certaines églises disaient tenir leur enseignement directement d'apôtres du Christ.
Toujours est-il, qu'il existera une multitude d'églises dualistes, dont la plupart n'auront qu'une vie très éphémère. Toutefois 3 de ces églises vont devenir assez puissantes pour concurrencer l'église catholique : les pauliniens au moyen Orient et Asie Mineure, les bogomiles ou bougres dans les Balkans, les cathares et les vaudois dans le Languedoc.

Revenons à nos cathares.

Entre le concile de Charroux en 1029 et le début de la croisade en 1209, il n’eut pas moins de 14 conciles pour condamner l'hérésie languedocienne, c'est dire la volonté papale de se débarrasser des cathares. Mais l'église officielle ne pouvait rien sans l'appuie de la noblesse languedocienne qui, si elle n'était généralement pas acquise à l'hérésie, refusait les ingérences du pape dans leurs affaires et tolérait les prêcheurs cathares, souvent des hommes et des femmes issus de leurs castes.
Plusieurs de ces conciles virent des évêques cathares et des religieux catholiques s'affronter verbalement. C'était quelque chose de complètement impensable dans les états du nord où l'église officielle envoyait directement au bûcher les hérétiques. Mais en Occitanie, la tolérance religieuse était un fait .

L'homme qui fera basculer les choses, c'est le pape Innocent III en 1198. Apres 10 années passées à essayer de convaincre le roi de France Philippe Auguste, il y parvient enfin après l'assassinat de son légat, Pierre de Castelnau.
Le pape va "exposer en proie" toutes les terres languedociennes au mépris du droit féodal. Cela va pousser une multitude de petits féodaux du nord de la gaule à venir se tailler des fiefs à la force de l'épée.

Le 22 juillet 1209 marquera le vrai début de la croisade avec le massacre des 6000 hommes, femmes et enfants de Béziers.

S'en suivront une succession de grandes et petites batailles, de sièges de cités, tour à tour toutes les cités tomberont aux mains des croisés, seront reprises par les languedociens , puis de nouveaux conquises.

Chaque fois cela donna lieu à de grands massacres, surtout les 2 premières années de la guerre, où Simon de Montfort fit brûler plus d'hommes et de femmes que l'inquisition pendant des siècles.
Avec la condamnation au bûcher en 1321 du dernier évêque cathare Belibaste et l'emmurement en 1328 de 510 hérétiques dans les grottes de Lombrive, une chape de plomb allait recouvrir l'hérésie cathare et l'invasion des Francs pratiquement jusqu'au 20e siècle.

L'histoire est toujours écrite par les vainqueurs, c'est un fait, et les documents les plus abondants sur les cathares sont en fait des procès-verbaux d'hérésie

L'ouvrage d'origine cathare, le plus important que nous possédions est le livre des deux principes écrit par Jean de Lugio.
Devant aussi peu de documents, il convient d'être extrêmement prudent.

Toutes les religions ont un fond dualiste, il y a toujours le combat du bien et du mal, le catholicisme romain affirme aussi la présence d'une créature malfaisante en face de Dieu, mais elle fait de cette créature une composante de la création qui primitivement bonne ne serait devenue mauvaise que par le pouvoir que sa liberté lui aurait laissé.

Le mal n'est pour les catholiques que le résultat du libre arbitre de Satan, puis de l'homme. Cette affirmation, les cathares la rejetaient en bloc, et, ce fut un des piliers principaux des procès en hérésie.

Si la corruption de l'homme par un mal déjà existant, leur semblait possible, il leur paraissait impossible et tout à fait illogique que Lucifer ait pu se rebeller contre son Créateur et préférer l'orgueil de sa déchéance au lieu de son accomplissement dans l'éternel amour.

Pour les cathares cette vision était incohérente. Le mauvais principe ne pouvait être issu de Dieu, il ne pouvait être qu'un principe indépendant de Dieu. A l'appuie de cela citons un écrit anonyme cathare : "La Liberté n'a aucun sens, si le mal n'est point déjà là pour s'offrir au libre choix, et si, de façon inexplicable, la liberté doit faire sortir le mal d'elle-même."

Si ce concept du bien et du mal était la première des affirmations de la métaphysique cathare, il faut bien l'avouer, et c'est pour cela que j'ai employé tout à l'heure le terme d'illogique, elle tient bien mieux la route que les affirmations de l'église romaine.

Il est difficile au vu du peu de documents que nous possédons de donner une définition absolument exacte de ce que les Cathares entendaient par mauvais principes.

Il apparaît plutôt que cette croyance n'a jamais été statique et que l'interprétation a constamment évolué au cours des temps.

Toutefois il est absolument certain que les cathares étaient monothéistes, ils n'ont jamais vu dans le mal une puissance égale à Dieu. Le mal qu'ils assimilaient souvent à la matière ne pouvait en aucun cas rivaliser de puissance avec l'amour éternel. C'est là même la différence fondamentale avec le manichéisme,
Croyance en un Dieu qui n'aurait pas voulu le mal, qui néanmoins, à chaque instant se manifeste dans sa création afin de la contrer dans la perfection.

Pour les catholiques romains, la notion du mal a toujours été mystérieuse, et n'a jamais reçu de vraies réponses. Bien sûr pensent-ils, Lucifer a été bon et il a succombé à une influence plus forte que lui, mais l'église de Rome n'a jamais pu affronter cette propre contradiction à ses principes. La liberté de Lucifer n'explique pas tout, elle suppose l'existence d'un être plus fort, plus monstrueux, véritable instigateur de la révolte.

L'étude philosophique des textes sacrés avait amené les cathares à une interprétation spécifique.

Le mal ne pouvait se situer que hors de la sphère divine. Ils ne pouvaient admettre que Dieu le représentant de l'infini bonté, puisse d'une façon même légère dégrader ses créatures. En lui n'était ni mal, ni néant, il ne pouvait faire que le bien.

Pour bien expliquer cette pensée citons le théologien cathare Jean de Lugio : "Si Dieu ne veut pas tous les maux, s'il ne veut mentir ni se détruire lui-même, sans nul doute il ne le peut pas. Car ce que Dieu dans son unité ne peut pas, il ne le veut pas. Dieu lui-même et sa volonté ne sont qu'une même et seule chose. Il faut donc croire avec fermeté que le Dieu Bon n'est pas qualifié de tout puissant parce qu'il aurait pu faire ou pourrait faire tous les maux qui ont été, qui sont ou qui seront, mais parce qu'il est tout puissant en ce qui concerne tous les Biens qui ont été et qui seront d'autant plus qu'il est la cause absolue, le principe de tout bien et qu'il n'est jamais en aucune façon par lui-même et essentiellement cause d'un mal."

C'est à cause ou plutôt grâce à ces principes théologiques que les Cathares ont absout Dieu de tous les crimes ou erreurs que lui prête la Bible.

C'est par cette imperturbable logique que les Cathares rejoignent la pensée manichéenne : Dieu n'a pas de mal à opposer au mal.
Il n'est donc possible de résister au mal qu'en ne lui opposant que le sacrifice.
Sacrifice relatif puisque la création à l'image de son créateur est éternelle, alors que le principe mauvais ne peut-être qu'éphémère.

Dans un texte dualiste d'inspiration manichéenne on peut lire d'ailleurs : "Et comme Dieu n'avait aucun mal à lui opposer, il envoya à ses devants une âme qui devait se mêler à elle (la matière) pour, en s'en détachant, causer sa mort."

Le sacrifice de Jésus Christ s'en trouve expliqué, du moins si l'on admet cette conception des Ecritures. En tout cas cette logique métaphysique devait avoir plus d'échos que les inexplicables mystères dont aime s'entourer l'église catholique.

Dans d’autres textes cathares que l’on qualifie de dualisme mitigé, les croyants ne reconnaissent absolument pas la nature humaine du Christ. En cela il refusait également la croyance à la crucifixion .

La pensée catholique admet dans la création un certain nombre de contradictions. Dieu aurait pu créer ce monde librement, en faisant en sorte que des choses soient contraires. Mais qu'en fin de compte, étant le seul principe organisateur, tout lui est un jour ramené. Ces contradictions sont généralement qualifiées de seulement relatives.

Les adeptes de cette conception philosophique admettaient toutefois qu'il était difficile pour l'esprit humain de distinguer ce qui était le mal relatif, c'est à dire les possibilités pour la création de le commettre, et le mal absolu, qui lui ne peut émaner de Dieu.

Cette pensée philosophique qui tend à admettre la coexistence dans une même création du crime et de la beauté était proprement inadmissible pour le plus simple croyant cathare.
Le seul fait de croire que Dieu n'aurait pu créer qu'un bien relatif leur semblait une impossibilité absolue.

Or, il faut bien le reconnaître, la création est pleine d'imperfections, alors il faut bien admettre si l'on suit la pensée cathare, que lorsque Dieu se manifeste et crée, il est contraint de s'accommoder d'un principe différent de lui qui transforme la création voulue bonne en un monde du mélange ou les créatures peuvent pêcher ou se perfectionner.

La création est donc inachevée car comme le temps qui est lui aussi d'essence maligne, ce n'est qu'à la fin des temps que le principe bon éliminera le principe corrupteur.

Mais si l'on identifie souvent les cathares à leur interprétation du mal, qu'entendaient-ils par principe bon ?
Il n'est pas du tout évident de donner une réponse concrète, car eux-mêmes ont donné des avis assez divers, notamment en ce qui concerne la matière, ils n'ont jamais clairement défini si elle était une création mauvaise, ou une création de Dieu corrompue par Satan.

Pour tenter d'expliquer leur conception de la création, les cathares se servaient d'un texte complexe intitulé l'Ascension d'Isaïe. Texte formé par la compilation de trois autres : le Martyre d'Isaïe, le testament d'Ezéchias, et le vision d'Isaïe.

On retrouve dans ce texte diverses inspirations : juives, chrétiennes et gnostiques.

L'ascension d'Isaïe raconte son enlèvement par un ange et son envol à travers les 7 cieux qui séparent le créateur des êtres les plus éloignés de la création.

Cette vision très hiérarchisée de la création amène à une constatation, certains êtres trop éloignés du sommet sont prédestinés à succomber au mal. Il y a peu de place pour la liberté (absence de libre arbitre).
Chaque ciel est séparé du précédent par une barrière néantisante qui interdit à toute matière maligne de la franchir. En haut est l'être le plus pur, en bas est le néant. Seul le 6ème et le 7ème ciel sont protégés du mal, et, c'est donc dans les cieux inférieurs que se produisent les grands combats entre les 2 principes dont l'issue est leur éloignement du sommet, ces créatures n'étaient-elles pas prédestinées à succomber au mal.
Cette vision tend à expliquer que le mal provient du mélange entre les 2 principes, et, qu'à la fin des temps le mal sera contraint de rendre à Dieu ce qui lui a permis d'exister dans la création.
Alors comme il est le néant, il s'anéantira lui-même.

Je ne m'appesantirai pas plus sur la vision d'Isaïe, car le sujet est vaste, et je ne suis pas sûr d'avoir les connaissances nécessaires pour en donner une bonne analyse. Mais l'essentiel dans cette approche du dualisme est de comprendre que dans la philosophie cathare le mal ne peut se manifester que dans le mélange qu'il pratique avec le bien.

Si l'on cherche dans les écrits cathares une définition exacte du mal, on n'en trouve aucune. On a seulement quelques définitions obscures extraites des textes sacrés telles que, je cite pour exemple "le mal est un principe en mouvement" ou bien "il est et il n'est pas". Rien de bien clair hélas.

Faute de le définir, les cathares pensaient que tout ce qui était Céleste et Eternel était du principe Divin, et que tout ce qui était transitoire, temporel était du principe malin. En fait s'ils n'ont jamais voulu définir explicitement le mal, l'évolution de la pensée dualiste va tenter de l'assimiler le plus possible au néant. 


Car le néant ne fait pas partie de la création, la vision d'Isaïe montre que tout est issu de Dieu, le néant n'a pas sa place dans cette conception.

En fait tous les mots employés pour désigner le mal, ne désignent que ses manifestations.

Jean de Lugio disait, parlant du supplice, de l'angoisse du bûcher et du Diable, lui-même : " que ces choses soient les noms dont on désigne ses effets, elles témoignent de toute façon de l'existence d'une cause unique du mal, éternelle, sempiternelle ou antique, car si l'effet est éternel, sempiternel et antique, il faut que la cause le soit aussi."

On remarque les différences fondamentales que Jean de Lugio faisait entre le mal et ses manifestations. Il y a d'ailleurs trop de création dans Satan, pour qu'il puisse être le principe du mal, il ne peut en être qu'un effet.

Toute l'analyse cathare va tendre vers ce but, assimiler le mal à la négation, au néant, au non existant. En opposition d'ailleurs à l'ancien manichéisme qui faisait du mal un principe existant à côté du bien.

Les cathares avaient une traduction personnelle du verset 3 du chapitre 1 de l'Evangile de Jean : "Sans lui rien n'a été fait", qu'ils traduisaient par "Et c'est sans lui qu'a été fait ce qui n'est que le néant".

Et c'est pour cela que devant les inquisiteurs, les cathares n'hésitaient pas à soutenir que ce monde visible était fait de néant, c'est à dire, illusoire, mensonger, et tout à fait en dehors de la substance divine. L'argument le plus invoqué par les cathares et leur explication du temps qui plus encore que la matière est le milieu anéanti où se situe les apparences et les illusions. Le dualisme cathare est un dualisme temps éternité autant qu'un dualisme Etre, Néant.

La première question que les inquisiteurs posaient durant leurs interrogatoires était :" croyez vous en Dieu créateur du ciel et de la terre" .

La réponse était suffisante pour savoir si l'interrogé était ou non un hérétique.

Ce qui caractérise ce principe mauvais, c'est qu'il est dans un principe temporel fini et donc, qu'il s'achèvera un jour.

Existait-il un moyen de combattre le mal ?
Oui, si l'on revient à l'étude de la vision d'Isaïe. Les 5 premiers cieux sont corrompus et rongés par le néant, quant au 6ème et 7ème Cieux, ils sont séparés des autres, isolés du mélange par la puissance de la bonté infini de Dieu.

L'explication est simple, elle vise à montrer ce qui est possible dans le monde du mélange, et ce qui ne l'est pas. Il fallait donc travailler sans relâche à rechercher la perfection, à se détacher de la matière, seule façon d'espérer un jour se fondre dans l'éternelle bonté du 7ème ciel.

Les cathares étaient des dualistes car ils croyaient à l'existence d'un principe mauvais, actif dans le monde du mélange et du temporel. Mais ils avaient pleinement le droit de dire qu'ils ne reconnaissaient qu'un seul Dieu éternel et bon, et ce n'était pas Satan qui s'opposait à Dieu mais le néant.

Satan et Jésus Christ étaient les 2 personnages que les cathares mettaient en opposition.

L'un était l'être à peine existant, habité par le néant, l'autre le fils de Dieu, la créature parfaite sur laquelle le mal n'a aucune prise.

J'ai dit.

Georges Scopsi, 5ème Ordre
Souv.·. Chap.·.  Pax Vovis  

À LA RECHERCHE DE LA SAGESSE


 


Introduction du Gr :. Or :. : Le Temple des Sagesses ; une métaphore pour la sagesse pratique

On dirait que la Sagesse, divine ou séculaire, est une pierre angulaire de toute loge maçonnique, sinon sa clé de voute. Mais laquelle et comment est-elle cultivée en nos Loges et surtout dans nos grades de perfection dits de Sagesse ? Qui ou quoi servons nous par moyen de la sagesse ; le GADLU ou l’Homme ? Comment donner sens à notre vie et bâtir – ce que toute sagesse promet – une biographie qui a un sens, accomplie et heureuse ?

J’esquisse ce sujet compliqué, par la métaphore simplificatrice d’un « Temple de la sagesse ».

La voûte étoilée de ce temple représenterait une pluralité de certitudes irréductibles : Les doctrines de foi, morales ou philosophiques, visions du Monde parfois exclusives, définissent la Sagesse, sa nature de moyen ou – au contraire, de fin en soi. Fonction de ce choix de départ, une voie pratique, de compétences de la sagesse apparaît adéquate ou sans intérêt pour le cherchant. Car, pour la sagesse révélée ou reçue, la voie est de nous y soumettre ou l’acquérir, pour vivre selon ses règles et son bonheur.

C’est à partir de ces convictions axiomatiques que nous suivons notre quête, en envisageant, ou non, des colonnes pour étayer la voûte pieds sur la Terre séculière de notre réalité matérielle. Je propose quatre « colonnes » de sagesse pratique qui, dans ma vision, participent à l’édification du temple vivant de la sagesse personnelle.

Premier pilier : Pour servir notre choix spirituel, qu’il soit ordonné par la Divinité ou conçu par le Génie démiurge de l’Homme, nous pouvons nous élever tout d’abord par l’étude du trésor immense de Sage savoir, hérité des sages de tous les temps. Une tête bien faite par la compréhension éclairée de ces livres est certainement une voie vers la Sagesse et ses vertus.

Deuxième pilier : Hélas, être érudit ne garantit pas d’être sage. Je dirais que l’amour de la sagesse requiert aussi un bon jugement situé, - de raison ou d’intuition prouvée par l’expérience - pour accorder le Savoir au Monde tel qu’il est, et délibérer avec sens critique, sans se perdre dans l’abstraction des théories.

Troisième pilier : Savoir beaucoup et juger avec bon sens, rend sage dans l’esprit. Pourtant, pour vivre la sagesse et surtout la partager, un apprentissage, souvent long et ardu, s’impose. Il nous faut apprendre un vrai Métier de Sage. A minima, connaissance et maîtrise de soi, savoir-écouter, silence, prudence, l’art de comprendre et prévoir plus profondément, plus large, dans le temps long. Comment mériter le qualificatif « sage » sans l’expérience pratique d’une conduite sage, d’un savoir-être, faire et interagir, montrer et conter, d’un l’art convainquant du bon conseil ?

Quatrième pilier : J’envisage aussi une quatrième colonne qui pour moi, reste toujours en construction, telle une Tour de Babel : Être sage. Je trouve qu’il est insuffisant de comprendre la sagesse et ses vertus, juger avec discernement, imiter les sages et passer maître des arts de la sagesse pratique. La sagesse authentique, que je n’arrive pas à incarner, est de réaliser l’histoire de vie du sage, celle dont le bonheur peut se juger seulement après sa mort.

Ioan Tenner janvier 2024



Discussion générale, synthèse des interventions :

La parole sur les vallées c’est penché sur ce qui dans le modèle proposé correspond à la voûte étoilée des doctrines, définitions et des sources de la sagesse édifiantes pour la vie en Loge et surtout aux Hauts Grades. Le TSPM a cité à ce sujet les vertus formant les échelons sur la gravure d’Antonio Bettini El monte sancto di Dio de 1477 : « Humilité, Prudence, Tempérance, Fortitude, Justice, Crainte, Piété, Science, … Conseil, Intellect, et pour finir, tout en haut de l’échelle, Sagesse. » À mi-chemin on lit « Foi, Esperance et Charité »

Dans l’ensemble, au lieu de considérer une sagesse instrumentale avec sa « boîte à outils », chacun a apporté l’authenticité de son point de vue conceptuel et ses sources personnelles de sagesse.

La Sagesse d'ordre pratique


*

…Comme d’autres, j’ai jeté un œil à mon ami Wikipédia pour qui la sagesse est un concept utilisé pour qualifier le comportement d’un individu s’appuyant sur un savoir raisonné, souvent conforme à une éthique, à la conscience de soi et des autres, à la tempérance, la prudence, la sincérité, le discernement et la justice. Mes cours de philosophie sont bien loin maintenant mais il me semble que la sagesse soit liée à une compréhension profonde et éclairée de la vie et à la capacité de prendre des décisions éclairées en respectant une hiérarchie de valeurs personnelles forgées au fil du temps. Cette définition est plus modeste que celle des penseurs amoureux de sagesse qui ont pour idéal de vie moult questionnement sur la pratique des vertus. On dit que la philosophie en tant qu’amour de la sagesse signifie une élévation, une aspiration de l’esprit, à se lancer vers le haut, vers la connaissance et la sérénité. Mais on ne peut atteindre des sphères supérieures qu’en partant d’un socle solide, concret. Réel, matériel, de la vie elle-même. On retrouve notamment la nécessité de ce socle bien concret dans la sagesse indienne qui induit une conduite personnelle progressive et ascendante et qui ne livre ses lumières qu’au terme d’une pratique quotidienne. Elle dessine alors la voie de la libération de l’etre en apprenant à décrypter les choses telles qu’elles sont, et non pas telles qu’on aimerait qu’elles soient. Les philosophes grecques renvoyaient la sagesse à la connaissance et à la recherche de la vérité, c’est à dire à un savoir embrassant toutes les disciplines et donnant à celui qui les possède une compréhension et une force intérieure. … Je me suis demandé s’il m’était arrivé au cours de mon existence de rencontrer un sage qui corresponde à cette définition quelque peu abstraite. Après mûre réflexion, je peux répondre par l’affirmative, mais seulement une fois, il y a quelques années. Un Frère déjà bien âgé, Marcel Henri, un peu anarchiste et provocateur sur les bords, dont je buvais les paroles à chacune de nos rencontres et qui n’est pas étranger à ma présence sur les colonnes. Si la sagesse était une vertu, j’en serais passé à côté.

*On ne parle pas ici de sagesse dans le sens religieux. La sagesse pour moi c’est donner un sens à sa vie. C’est placer sa quête au-delà des aspects matériels, du bien-être physique, de la réussite professionnelle, ou familiale. C’est de réussir au-delà de tous ce qu’on nous enseigné dans nos enfances. Se dépouiller de tous les clichés de perroquet, des théories tout faites, des jugements au carré, accumulés pendant toute une vie... En effet dans la FM j’ai reçu beaucoup d’outils sans avoir toujours le temps de les observer et comprendre. Ils sont devenus précieux pour mon for intérieur. Pour Éric-Emanuel Schmidt, la sagesse est accomplie spirituellement : « J’aimerais quitter ce monde avec un sentiment de paix, de sérénité, conscient que j’ai fait ce que je devais faire, ce que je pouvais faire, tout en acceptant mes imperfections et mes manquements. … La sagesse est de se faire humble, reconnaître ses défauts, son égoïsme, ses colères, ses faux pas, qui ont blessé l’Homme mais aussi la planète … Le sage… est celui qui écoute, entend, mais ne porte aucun jugement. » Mon modèle de sagesse est le poète libanais Khalil Gibran auquel je pense souvent...

*…Ne sommes-nous tous ici des sages en puissance ? N’avons-nous pas atteint une, ou même la dernière, des étapes des Ordres de la Sagesse ? En pratique, je la préfère à la manière de Socrate. Il prône la cogitation, l’humilité, l’acceptation de son ignorance, et le respect absolu des lois de la Cité. Un vaste programme. Je vois la sagesse comme un travail d’introspection, se connaître soi-même pour ensuite questionner le monde qui nous entoure... Au niveau de la Maçonnerie, je perçois deux écoles : celle qui veut que nous nous impliquions directement, au nom de la maçonnerie, dans la vie profane, par différents projets sociétaux pour faire avancer notre société dans le bon sens ; pour une autre école, le travail sur soi est plus important, pour ensuite pouvoir rayonner à l’extérieur… Personnellement, je préfère cette seconde manière d’agir. Pour revenir à Socrate, une expression – pas de lui mais d’Aristote - me rappelle toujours son enseignement. « L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit… » Je suis moi aussi un sage quand je réfléchis.


*…À mon humble avis, la sagesse dépend du regard et de l'attente de l'autre. On ne peut s'estimer sage quand le groupe autour de nous ne nous estime pas ainsi. Et il y a des gens pas sages que le groupe évalue comme sages. Parce qu'ils répondent à des critères sociétaux, culturels et du moment. Par exemple, on dit qu'il est mieux de passer pour un imbécile en se taisant, que d'ouvrir la bouche et de ne laisser aucun doute à ce sujet. Donc, la sagesse est aussi de savoir se taire, avoir suffisamment de courage pour rien ne dire, ne pas juger les autres, ni créer de conflits supplémentaires, ne pas se battre. Mais, peut-être, au niveau maçonnique, la sagesse est un besoin d'absolu, de vrai inatteignable... la sagesse absolue on ne l'atteindra jamais.

*…J’ai posé à une petite fille de six ans la question : « Quand tu es sage, que fais-tu ? » Elle me répond : « Je range ma chambre. ». « Et quand tu n’es pas sage ? » « Je dis des sottises. » On pourrait clore le débat avec ça. Les philosophes disent que, par définition, la Philosophie est l’amour de la sagesse. Mais pourquoi la philosophie nous rendrait sages ? Dieu seul le sait. Plus on avance et moins on en sait. La sagesse ne se cherche pas car elle ne se trouve pas. Il faut la cultiver. Elle ne sert pas à grand-chose… Etre sage c’est atteindre le rien.  C'est une sorte d'anesthésie.

*…En Chine, on fait une grande différence entre deux personnages, un qui s’appelle Confucius, l’autre Laozi. Confucius n’est pas un sage, c’est un savant. Il a construit un système pratique, il a écrit des choses pour faire fonctionner l’état. Laozi c’est tout à fait le contraire, il est considéré un sage… Alors qui est le sage ? Celui qui a écrit un livre pour faire fonctionner l’État et pour faire travailler tout le monde correctement ? Il a apporté de l’ordre. Ou alors celui qui a écrit un livre dont on ne sait pas ce qu’il dit, mais quand tu le lis, tu te sens bien ? Il y a deux manières, très opposées de concevoir la sagesse, les deux sont pratiques parce qu’elles ont des conséquences. L’une sociale, l’autre au niveau personnel. Qui est le sage ? Je n’en sais rien… La petite fille a raison : pour la Maman, l’enfant qui est sage est celui qui range sa chambre. Quand on est sage pour les autres, la définition de la sagesse dépend des autres. Pour ma Mère j’étais sage quand je faisais ce qu’elle voulait. Si je faisais ce que je voulais, moi, ce n’était pas sage du tout… Ça m’a appris de faire ce que je veux, moi. Parce qu’il faut se créer soi-même et pas se faire créer en fonction des autres, à chacun de faire le travail… C’est Nietzsche qui dit « Sois toi-même ! » Mais qui dit qu’etre soi-même c’est etre heureux ?


*…La sagesse est pour moi le silence. Chose contradictoire, car la sagesse est aussi la transmission, le partage. Nous ne sommes pas des possesseurs de notre savoir, seulement des locataires. Il s’agit comme le représente le Larousse, de semer à tout vent.  Il est sage aussi de savoir cultiver son jardin. En parlant de la voûte étoilée, la sagesse est la stabilité, la rigueur, la droiture. Je pense que le propre de la Maçonnerie est de répandre ce qu’on apprend : le but de notre vieille confrérie est de faire progresser la société mais personnellement, je trouve qu’on ne le fait pas.


*…Un vieux sage persan, Rûmî, a dit ceci : « Quand j’étais jeune, j’étais très intelligent et je voulais changer le monde. Je suis vieux, je suis devenu sage, je m’efforce de me changer moi-même… »

La Sagesse (maçonnique) en tant que doctrine spirituelle et philosophique

 
 
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…En notre cas on est au rite Moderne ou Français, avec sa spécificité par rapport aux autres Rites qu'on connait RER, REAA Memphis Misraïm... Même si la sagesse les rapproche comme un fil rouge, les outils sont différents. Nous sommes aussi au IVe Ordre, ou nous avons des outils ; entre autres "foi, espérance et charité" et ce qu'on trouve dans l’héritage testamentaire du Dieu Unique, qui est le Nouveau Testament, quel que soit l'interprétation qui y est donnée… Ce sont les outils que nous avons tous reçu quand nous avons été initiés même sans les avoir interprétés. En passant au IIe au IIIe au IVe Ordre, on a chaque fois eu de nouveaux outils qui nous donnent de nouvelles "lunettes”.


*

… Un fil rouge quand on est un cherchant de sagesse est d'oser - au sens Kantien - s'ouvrir aux autres sagesses qui sont des traditions maçonniques différentes. Je pense au REAA. En référence au IVe Ordre comme nous le pratiquons, je pense à Jésus.  Jésus qui fut un humain aussi, à l'écoute des autres humains. En tant que Prophète - avec sa capacité, d'écoute, de regard, d'analyse et d'action, il avait la préoccupation d'améliorer le sort des autres humains. Même si ceci apparait contradictoire à quelques-uns, parfois, la lumière jaillit du champ des idées, parfois l'ordre jaillit du chaos. Concernant Jésus, par mes lectures et mes éléments personnels, je pense à Levinas. Au-delà de l'écoute il accorde beaucoup d'importance au regard qu'il porte sur l'autre et au regard que l'autre porte sur lui. Je pense qu'il est important, à travers cette démarche maçonnique éthique, de ce respect, de chercher le sens des choses, du Cosmos. Je pense à Nietzsche qui dit "Sois qui tu es !" et, en pensant à Jung, " trouve un bon équilibre entre ta maison et les passions.

*…Je voudrais vous confier mes piliers de recherche de la sagesse ; de m'approcher de Diogène qui fait preuve d'une simplicité, d’un dévouement énorme, d'ascétisme. Et, qui sait, la pensée de Laurence dans ses Sept piliers de la Sagesse... Je pense aussi à Buddha, à Mithra… Je sais que pour etre un moine, un ascète, un anachorète, au Bengale en Inde ou au Népal, je pourrais me concentrer sur moi, mais pour avoir aussi puissance, la sagesse n'a de sens que si elle se traduit aussi en action. Que venons-nous faire en maçonnerie ? On vient faire des progrès en sagesse mais ceci a du sens seulement si on traduit cette acquisition de savoir, de connaissance, de savoir etre, en action... Nirvana c'est bien mais le but est d'améliorer le sort de l'humanité et de la poussière d’étoiles que nous sommes.


*…Concernant la sagesse, effectivement, la maçonnerie transmet une initiation, une voie vers la Sagesse. Qu'est-ce que la Sagesse d'un point de vue Maçonnique ? Un regard et aussi un comportement. Regard depuis l'autre mais le regard de soi-même par rapport à soi et à l'autre. ... C'est aussi dans les actes ; si on pratique l’Esperance, la Foi et la Charité et le fait de transmettre dans le monde profane ce qu'on a appris. Je pense que chacun a sa propre vision. Le sujet est complexe… je reste juste sur l'aspect maçonnique, une manière d'etre, une amélioration de soi, le fait de tailler sa pierre, de jour en jour, je pense que ceci permet d'atteindre une certaine forme de sagesse. Le rite a gardé toute la substance de la maçonnerie telle qu'elle a été créée, avec justement cette charité chrétienne dans le bon sens du terme. Ce sont les choses qui me parlent…


*…Cette acception de la sagesse "Sois sage !" de se tenir dans son coin cela veut dire de rentrer dans le rang et de rester aligné par rapport que les autres veulent, ceci n'est pas ma vision de la sagesse. "Tais-toi et fais comme les autres"  n'est pas la sagesse. Je pense que chacun a sa propre définition de la sagesse. Quand tout à l'heure un frère parlait de la possibilité que Dieu n'existe pas il est aussi dogmatique de dire que Dieu existe ou n'existe pas... La maçonnerie, même chrétienne, reste adogmatique.


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…Un Maître tibétain qui venait d'arriver en Suisse de l’Himalaya, et qui raisonnait comme au moyen âge, m'a raconté une petite histoire : il y avait querelle entre deux grands maîtres, chacun prétendant etre la bonne réincarnation.  Devant le Dalai Lama, on discutait ce qu'il faut faire. Le moine en question, relativement jeune, a dit que c’est très simple, on les met tous les deux dans un avion et on les jette de quelques milliers de mètres d'altitude, sans parachute ; le bon va voler, l'autre va tomber. Les autres l'ont regardé ahuris. Pourtant c'est ce qui est écrit noir sur blanc dans les textes sacrés. On reconnait un maître par ce qu'il sait faire car il est sage. Dans toutes ces traditions la question n'est pas d'orthodoxie mais d'orthopraxie, la bonne pratique. C'est aux fruits qu'on reconnait le sage, c'est la sagesse pratique dans un autre sens.

 *…En tant qu'hommes libres nous sommes des solitaires, des individus qui vivent la solitude... On dit qu'ici tout est symbole. Il n'y a pas de dictionnaire pour les symboles parce qu'ls sont des concepts. C'est la richesse de la maçonnerie de s'abstenir d'utiliser des mots pour décrire les symboles... Au rite que nous pratiquons maintenant il y a la parole perdue, qui ne l’est pas vraiment. Si je ne crois pas en Dieu, la parole perdue est quelque chose qui me permet d'entrer en contact avec l'autre. On n'est pas seul. Si la parole est perdue cela nous fait mal. Je peux me parler à moi-même et l'autre peut se parler à lui-même. Maintenant, que la parole ne soit pas perdue mais soit retrouvée, on a enfin une monnaie d’échange qui permet l'échange de notre perception des concepts. La vérité révélée est aussi compliquée parce qu’elle n'existe pas, car nous sommes aussi contre les vérités révélées. Ainsi la maçonnerie peut continuer toujours à chercher une vérité introuvable. Nos vérités de chacun d'entre nous sont différentes en fonction d'autres expériences humaines. Parlant d'Espérance et de Charité, ceci est bien gentil, l'enseignement de l'Église concernant la Foi, l’Espérance et la Charité est bien particulier. La Foi est finalement la confiance que j'ai en moi-même pour rester un homme libre et supporter l'horreur de la liberté. L'Espérance, il ne faut pas oublier que sans espérance on n'a plus de projet. Sans projet, je vais droit contre le mur et je suis mort. J'ai besoin de cette Espérance. Jusqu’à mes derniers jours avant ma mort je construis encore des projets de partir, de faire un voyage... et puis, je mourrai comme les autres. La mort finalement, il y a dans nos rituels l'apprendre à mourir en paix. Est-ce qu’en maçonnerie, finalement, la sagesse n'est pas à vivre at apprendre à mourir en gardant un bonheur ? Se dire ;  j'ai vécu. Finalement si pour moi Dieu n'existe pas il y a la sagesse des épicuriens pour lesquels le problème n'est pas ça du tout. À se rappeler qu'Épicure souffrait de calculs du foie, il a souffert toute sa vie, mais a su vivre. Il disait : Si tu as faim, mange, si tu as soif, bois...évite d’avoir mal, tout en respectant l’autre et soi-même pour traverser la vie en paix. Le nôtre, est un lieu de culte, mais un où nous cultivons le bonheur.

*…Pour la synthèse de tout ceci ; est-ce qu’il y a une boite à outils pour la sagesse ? Une collection d’archétypes pour la sagesse ? Pour prendre la mythologie de l’Olympe, il y a tout dedans, mort,  plaisir, souffrances, tout. (Mais on ne va pas enseigner tout ceci en Loge). Qu’est-ce qu’on trouve dans les rituels ? … Apprendre à se taire, ne pas enseigner un catéchisme aux autres, ni l’histoire de la pensée humaine, on ne se révèle rien réciproquement, C’est ça le point de départ…

CONCLUSION 

Qu’est-ce donc la Sagesse ? Doctrine, foi, vocation, code moral, un savoir, la Raison judicieuse, état bénéfique, instrument, un art, un mode de vie, une Voie vers le bonheur de soi et de tous ? Un moyen ou un but en soi ?

Y a-t-il plusieurs sagesses, divines et humaines dont une maçonnique ? Peut-on sauvegarder la pureté et les vertus d’une sagesse spirituelle qui tend vers le ciel, tout en considérant que l’esprit humain, prométhéen, peut se cultiver lui-même pour s’élever et atteindre l’eudémonisme d’une vie qui a un sens et une excellence ici sur Terre ? Peut-on concevoir et apprendre des stratégies et des outils pour maitriser l’œuvre de sagesse ?

Nous n’avons certainement pas conclu sur ces questions controversées. Heureusement ! Pour la Sagesse, comme pour la vie, le voyage est plus important que la destination : « Quand tu prendras le chemin d’Ithaque, souhaite que la route soit longue, pleine d’aventures, pleine d’enseignements … » dit Cavafy, le poète.


Chapitre genevois « La Rose-Croix du Léman » N. 1 du Suprême Conseil du Rite Moderne pour la Suisse